Vergniaud : 1753-1793

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Après cette lettre, fidèle à son serment, Vergniaud ne songea pas à fuir, et attendit courageusement le jour de son arrestation. « Mourant pour la liberté, avait-il dit à un ami qui lui proposait de quitter Paris, la couronne du martyre ornera dignement mon front ; ma vie rachetée par une lâcheté le couvrirait d’une rougeur ineffaçable. »

Arrêté le 24 juillet, il fut, avec vingt-un de ses collègues, conduit à la Force, puis à la Conciergerie où il devait languir pendant plusieurs mois. Se laissant aller de nouveau à sa douce et chère mélancolie, attendant impassible et résigné, en lisant Sénèque, la mort qu'il savait être prochaine, c'est à peine si Vergniaud, pressé par ses amis, prépara quelques notes pour sa défense; « sa plume lui tombait des mains, et il abandonnait le soin de sa vie et de sa mémoire pour poursuivre une idée riante qui lui voilait l'image de la mort (1). » Un jour cependant, il écrivit à la Convention une longue lettre où, demandant à comparaître devant un Tribunal, il disait : « Je veux enfin développer devant le peuple toute mon âme, toutes mes pensées, toutes mes actions. Son estime est tout pour moi; on a voulu me la ravir : peut-être a-t-on réussi. Eh bien, je veux la reconquérir et j'ai, dans ma conscience, la certitude du succès. Si ensuite mes ennemis veulent ma vie, je la leur abandonnerai volontiers.…. (2). »

Cette lettre demeura sans réponse. Vergniaud reprit son insouciance habituelle, et ne songeant plus qu'à ceux avec lesquels il passait tristement ses deraiers jours, il les charma par sa conversation. « Ver-

(1) Mémoires d'un détenu. (2) Varez, Vergniaud, manuscrits, lettres, L. IL.