Vergniaud : 1753-1793

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gniaud, disent les Mémorires d'un détenu, tantôt grave et tantôt moins sérieux, nous citait une foule de vers plaisants dont sa mémoire était ornée, et quelquefois nous faisait jouir des derniers accents de cette éloquence sublime. »

Sombre et longue détention pendant laquelle il ne vit du dehors qu’un seul visage ami, celui de son neveu François Alluaud, qui lui-même a raconté ainsi ce triste épisode : « Pendant la détention de Vergniaud, un seul billet de lui est parvenu à son beau-frère. L'aîné de ses neveux, celui qui écrit cette notice, alors âgé de quatorze à quinze ans, était en pension à Paris : Vergniaud lui envoya le billet en le chargeant de le faire passer à son père. Quelques jours après, son neveu parvint jusqu’à lui sous le nom d’un parent de l’infirmier de la prison. Peindre les impressions qui lui sont restées de cette triste et dernière entrevue, de son passage sous le guichet de la Force dont l’entrée était gardée par une foule d'employés à figures sinistres et couverts de bonnets rouges, du logement étroit où sept ou huit Girondins étaient entassés, de leur courageuse résignation dans l’attente du sort auquel ils savaient bien qu'ils n'échapperaient'pas, serait impossible. Ce souvenir est resté dans sa mémoire comme un douloureux cauchemar sur lequel il ne peut reporter ses pensées sans que son âme soit encore oppressée. »

Si l’émotion du jeune Alluaud fut au comble en pénétrant dans cette prison, où il allait voir, prêts de monter à l'échafaud, ceux dont la renommée venait de remplir le monde, ceux qui, en renversant le plus ancien trône de l'univers, avaient ébranlé tous les autres, les véritables fondateurs de la République mourant aujourd’hui pour elle, quelle ne dut pas être