Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

Loi

Que faire cependant? M. Vergniaud était irrité : le repentir fut prompt, l’expiation cruelle. « Je suis accablé, écrit-il, — il à vingt-six ans, — par une mélancolie qui m'ôte l'usage de mes facultés. J'ai beau faire mes efforts pour la cacher aux yeux de ceux que je vois, elle reste toujours. Je ris par convulsion, et mon cœur partage rarement la fausse joye qui se peint sur ma figure (1).» Dans son désespoir, il en vient à songer encore à l'état ecclésiastique. Il l'a abandonné « parce qu'il ne l’aimait pas, » va-t-il le reprendre « par nécessité?(2) » Le conseiller auquel il s’adresse me rassure. Son oncle, prieur des Bernardins, a fait les guerres du Hanovre avant d'entrer dans les ordres : il n’est pas homme à forcer une vocation aussi douteuse. Il lui répond que l'état ecclésiastique est fort beau, fort honorable; mais que c’est assez d’un prêtre dans la même famille, et qu'il fera bien de suivre une autre carrière (3). C'était bien dit; mais laquelle ?

Vergniaud n’était pas encore, mais il y touchait, à ce moment décisif et solennel entre tous dans l'existence d’un jeune homme, où, suivant la parole d’un grand orateur chrétien, « parvenu à mi-chemin de la vie, tout voile levé, toutes incertitudes dissipées, le front serein et le cœur à l'aise, il a le secret de Dieu sur lui, et asseoit la tente où il achèvera de vivre (4). »

C'est dans l’indécision la plus complète, et en proie au découragement le plus profond, qu'au mois de février 1780, il quitte Paris et rentre chez son père. Déjà, s’il faut en croire quelques biographes, Vergniaud enfant « jouait à l'éloquence, » et, enfermé dans sa chambre, haranguait un peuple imaginaire dont il croyait entendre les acclama- * tions. Un matin, son beau-frère le surprend improvisant

ettre ne 5, p. 21.

ettre n°6, déjà citéc.

tice de M. François Alluaud; Vatel ; tome Ier, p. 4. P: Lacordaire.

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