Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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Quelques vers plus connus nous prouvent que Vergniaud maniait, à l’occasion, avec habileté, l'arme redoutable de l'épigramme. La politique, — elle était déjà «notre misère |! » — ne tarda pas à pénétrer dans le sein du Musée: la discorde la suivit de près. Les partisans du mouvement révolutionnaire, Vergniaud en tête, Ducos, Fonfrède et Furtado, se séparèrent de la société-mère pour fonder le Comité des Quatre, qui recut bientôt nombre de transfuges, Roullet entre autres, et Guadet, et Gensonné. Un colonel de dragons, ami maladroit, publia, pour venger le Musée, une pièce de vers dans laquelle il se réclamait de l'appui du journal l’Ami du Roi, et comparait les adversaires de la monarchie à des fourmis acharnées, mais impuissantes, à renverser un, chêne séculaire. C’est Vergniaud qui répond, et l’avocat ne fait pas quartier à l’officier (1) ; sa réplique se termine ainsi :

Dans vos tripots dit littéraires EÉcoutant leurs doctes leçons,

Par ces Aristarques sévères Faites corriger vos chansons, Célébrez par reconnaissance

Les amis de lAmi du Roi,

Et même un peu, par bienséance,

‘ Protégez Monsieur Durosoy.

Quant au chêne, vivez tranquille, On n'ira point déraciner

Cet arbre qui vous est utile,

Ne füt-ce que pour le diner. Notre colère est apaisée,

Et les pacifiques fourmis

Ne veulent point, en ennemis, Couper les vivres au Musée,

Au reste, n'allez pas croire que le jeune avocat néglige, pour des soins un peu frivoles, ses occupations profession-

(1) Vatel, £. II, p. 88. — Notre confrère, M. Chauvot, qui a consacré à la littérature un des livres les plus intéressants de son Histoire du barreau de Bordeaux, ÿ a raconté en détail (p. 520) tous les incidents de la scission dont nous parlons.