Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
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procès dans son année (1). Plus tard encore, il annonce que ses affaires commencent à prendre une tournure un peu meilleure que par le passé, et il ajoute : « Il faut de la constance dans tous les états; mais je pense que c’est celui d'avocat où l’on en a le plus besoin (2). » Enfin, lorsque sa constance a été récompensée, lorsqu'il est arrivé à la haute position qu'il n’a pas seulement ambitionnée, qu'il a conquise : « Je n'ai pas le temps de respirer, écrit-il, je me suis emparé de toutes les audiences (3). »
Je sais bien, Messieurs, qu’un jour, après avoir longuement entretenu son beau-frère d’un procès auquel il s’est fort intéressé, et que d'avance il juge perdu, il ajoute : « Nous nous consolerons en buvant du Saint-Émilion (4). » Mais j'oserai le dire, mème en présence de nos anciens : que l'avocat qui n’a jamais goûté de ce vin-là lui jette la première pierre !
Paresseux ! a-t-on ajouté; et il n’est personne qui n'ait, à l'occasion, fait quelque phrase sur la paresse de ce pauvre Vergniaud. Ici encore, je confesse humblement que je ne comprends pas. Lorsque je vois cet étudiant de vingtsept ans, jaloux de réparer le temps qu'il croit avoir perdu, mais qu'il a si heureusement employé à se forger des armes qui vont si bien lui servir, obtenir, en un an et demi, son diplôme de licencié; rédiger, avant d'être avocat, un mémoire dans une affaire délicate, s’aidant de vieilles écritures, d'une consultation et des livres de M. Dupaty, et donnant pour excuse de son audace « qu'avec du travailon
semble, le faire sans motif grave. Peut-être l'affaire du bienveillant procureur était-elle mauvaise; peut-être répugnait-il à la conscience de Vergniaud de s’en charger. On a vu, de tout temps, des avocats refuser des dossiers par suite de pareïls scrupules; et, nous n’en doutons point, cela se voit encore, aussi bien à Paris qu'à Bordeaux.
(1) Lettre no 68, 9 août 1785, p. 85.
(2) No 78, 14 juin 1784, p. 96.
(5) No 444, 27 juin 1789, p. 156.
(4) Xe 105, sans date, p. 129.