Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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vient à bout de tout (1) ; » lorsque je voisce stagiaire composant des mémoires encore, mais où la force du raisonnement s'allie à l'élégance du style, en mème temps qu'il prépare plusieurs affaires, — et l'on écrit alors avant de plaider ;— lorsque enfin je vois cet avocat, après avoir prononcé ces magnifiques plaidoiries, modèles achevés d'éloquence, prendre la plume du jurisconsulte pour annoter les * Décisions du Palais, complétant le texte de Lapeyrère par l'exposé des espèces qu'il a plaidées ou entendu plaider, —précieux témoignage que conserve la Bibliothèque de notre Ville, — je ne sais, Messieurs, si, en parlant ainsi, je fais l'éloge de Vergniaud ou notre critique ; mais j'affirme que celui de nous qui ferait ces choses passerait pour très-laborieux.

Les premiers mémoires de Vergniaud sont écrits avecun peu de recherche et d’emphase. Mais ces défauts, qui sont réels, passaient alors aux yeux de bien des gens pour qualités : c’est donc moins à Vergniaud qu'à ceux pour lesquels il travaille qu'il les faut imputer. « Vous trouverez peut-être par-ci par-là, dit-il à M. Alluaud, en parlant du mémoire pour M. d’Aucourt, quelques-uns de ces grands mots que vous n'aimez pas trop; mais j'ai remarqué que c'était son goût, et je l'ai servi à sa fantaisie (2). » Outre le goût du client, il y avait celui des magistrats, et encore celui du public; et ce devait être, il en faut convenir, chose difficile, au milieu de tant d’exigences, de rester fidèle au bon goût. Le mémoire pour Marie Bérigaud, accusée d’infanticide (3), se ressent de cette pression subie par l'avocat.

(1) N° 44, octobre 1780, p. 29.

(2) Octobre 1780, lettre n° 14, p. 29.

(5) Mémoire pour Marie Bérigaud, intimée, contre le sieur Thévenot de Lavaud et Anne Petit, appelants d’une sentence du sénéchal de Limoges, du 26 janvier 1782, Vatel, t. IE, p. 20. En attendant la publication qu'il nous promet, et qui couronnera son œuvre, des discours ct des mémoires judiciaires de Vergniaud, M. Vatel donne l'analyse et plusieurs passages importants de ces mémoires ; c’est à ces extraits Que nous renvoyons.