Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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Pierre-Victurnien Vergniaud naquit à Limoges, en l’année 1753, le 31 mai (1). Singulier caprice de la destinée, qui semble parfois vouloir forcer l'historien à entrevoir et montrer la tombe à côté du berceau ! À pareil jour, quarante ans plus tard, les sections armées envahiront la Convention Nationale : des hommes de sang demanderont, par des clameurs forcenées, la mort des Girondins ; et parmi ces proscrits voués à l’échafaud, il en est un qui sera honoré de plus de haine, de plus de menaces, de plus de fureurs ; car le cri de l'enfant naissant, « ce doux cri qu'une nourrice apaise, » est devenu la grande et formidable voix qu'un peuple en délire veut étouffer.

Celui qui devait faire si grand un nom alors bien obscur appartenait, par son père et par sa mere, à l’ancienne bourgeoisie du Limousin, à cette classe patiente et laborieuse qui concourait si puissamment à la prospérité du pays sans avoir aucune part à la direction de ses affaires, à ce tiersétat, qui n’était « rien » encore, mais aspirait déjà à devenir « tout. »

M. Pierre Vergniaud, d’abord marchand, puis fournisseur des armées du Roi, jouissait, à cette époque, d'une honnête aisance. La première éducation de l'enfant se fit

(1) L'orthographe du nom de Vergniaud et la date de sa naissance ont été longtemps incertaines. Le Moniteur écrit Vergniaux, et aussi Mwe Roland ; quelques-uns Vergniau, d’autres Vergnault. — Vergniaud serait né en 1758, d'après le Bulletin du Tribunal Révolufionnaire; en 1759, suivant quelques biographes. C’est cette dernière date qu'accepte M. Chauvot, dans son Histoire du Barreau de Bordeaux. — Le doute, sur ces deux points, n'était plus permis, depuis la notice écrite, vers 1842, par M. François Alluaud, neveu du grand orateur. Mais M. Vatel a complété la démonstration, en publiant l'acte de naissance de Vergniaud, retrouvé par lui dans les archives de la mairie de Limoges. (Vergniaud, manuscrits, lettres et papiers, 1875.) Le bel ouvrage de M. Vatel nous a beaucoup servi. D’autres ont rendu hommage au talent ct à la consciencieuse érudition de l'auteur : c'est une dette personnelle que nous acquittons en lui offrant l'hommage de notre reconnaissance. Nous nous reprocherions de ne pas inscrire iei, à côté du nom de M. Vatel, celui de son collaborateur et ami, M. Farine, conseiller à la Cour de Bordeaux, dont les

ee -obligeantes communications ne nous ont pas fait défaut.