Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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dans la maison paternelle, par les soins d'un prêtre ami de la famille, et versé dans la connaissance des langues anciennes : à la mort de ce premier maitre, le jeune Vergniaud entra au collége des Jésuites de Limoges, où il remporta les plus brillants succès.

Un homme que la toute-puissance de l'opinion allait bientôt porter au pouvoir, et qui se préparait, par une administration bienfaisante et éclairée, aux généreuses réformes qu'il devait tenter en vain, mais dont l'honneur doit lui rester, Turgot, était alors intendant du Limousin. Le jeune écolier lui fut présenté par son père, et lui plut dès l'abord : il était en troisième, lorsqu'une fable en vers de sa facon, écrite avec esprit, et qu'il récita avec grâce devant l'intendant, attira sur lui une attention et des faveurs toutes particulières : Turgot l'admettait souvent à sa table, et prenait plaisir à causer avec lui.

Étrange et rare spectacle, Messieurs, que celui de ce financier, de cet administrateur, ne dédaignant pas la conversation d'un enfant et sachant y trouver du charme ! C’est que l'esprit supérieur de Turgot avait pressenti quel homme serait un jour cet enfant: et certes le grand ministre était digne de deviner le grand orateur. Il est bien permis de penser que Vergniaud garda de ce commerce autre chose que le souvenir de la familière bonté de Turgot, et qu'il dut à son premier bienfaiteur tout au moins d'avoir, avant l’âge des pensées austères, élevé sa raison aux questions les plus hautes de l'économie sociale, et ouvert son âme à cet ardent amour de l'humanité dont elle devait toujours être embrasée.

L'année 1770 fut marquée par une épouvantable famine : le génie et le cœur de Turgot surenten adoucir les horreurs pour la province qu'il administrait. Mais il n’était pas en son pouvoir d'empêcher les désastres privés qui sont la conséquence ordinaire et fatale de pareils fléaux : M. Vergniaud fut cruellement frappé. Le prix des grains ayant.