Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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doublé, il se vit dans l’impossibilité de tenir ses engagements, et se dépouilla de la plus grande partie de ses biens sans pouvoir acquitter toutes ses dettes. L'intendant qui venait de se dévouer au bien public ne pouvait abandonner son jeune protégé.

Vergniaud avait terminé ses humanités, et avait mème suivi, Chose rare à cette époque, un cours de mathématiques : il pouvait se contenter d’une pareille éducation. Turgot, qui connaissait ses dispositions exceptionnelles, se montra pour lui plus ambitieux. Il voulut donner à ses études un digne couronnement, à son esprit, déjà nourri de la moelle de l'antiquité, cette suprème consécration du goût qu'on allait alors demander, comme on va la demander encore, à la moderne Athènes. C’est au collége du Plessis, illustré par ses élèves non moins que par ses maîtres, et où Turgot lui-même avait étudié la philosophie, qu'il plaça, en qualité de boursier, le jeune Limousin. Il fit plus; et, désirant lui faire parcourir, de tous points et jusqu'au bout, la route qu'il avait lui-même suivie, il le fit, à sa sortie du collége, entrer au Séminaire. Vergniaud eut un instant la pensée de prendre les ordres, il à dit même quelque part qu'il « avait embrassé l’état ecclésiastique (1) ; » il est vrai qu’il ajoute qu’il ne savait alors ce qu'il faisait, et nous l'en croirons volontiers : il ne paraît pas, en effet, qu'il ait jamais eu, même pendant son séjour au Séminaire, une piété bien vive. Mais lorsqu'il parlera « des années qu'il a perdues à Paris (2), > nous nous garderons de nous associer au jugement, nous allions dire au blasphème, du jeune homme impatient d’une position ; et nous nous permettrons

(1) Correspondance de Vergniaud, lettre n° 6, 1er janvier 1780; Vatel, tome Ier, page 25. M. C. de Verdière, à la suite d’un remarquable discours, consacré à la biographie de Vergniaud, et prononcé, en 1865, à la rentrée des Conférences du barreau de Paris, a publié une partie de cette correspondance, si intéressante à tant de titres, que M. Vatel donne tout entière dans.son ouvrage.

(2) Ibid.