Битеф

simple contraction du larynx, quelque chose d’universel, ou plutôt mais cela revient au même quelque chose de particulier et de transmissible. »Imaginez quelqu’un, dit Peter Brook, qui voit un jardin dépérir. Il rencontre le propriétaire et lui demande : votre jardin, vous ne l’avez pas arrosé? Maks si, répond le propriétaire, je l’ai arrosé il y a dix ans«. » Imaginez, un acteur qui, après quelques années de travail se dît: je connais maintenant mon métier. U me suffit de jouer de temps en temps, si je peux. Pour le reste, je n’ai plus rien à apprendre. Il ne tardera pas à voir son jeu se dessécher«. C’est poruquoi, dès les premières semaines de leur travail, sans jamais renoncer à leurs exercices, qu’ils pratiquent encore aujourd’hui en essayant sans cesse de les développer, les acteurs du groupe se lancèrent dans des improvisations et des prises de contact de toutes sortes. Rien ne stimule un artiste comme le presque-impossible. Et cette stimulation apparut dès les premiers mois du travail. On invita au Mobilier National, à Paris, à diverses reprises, plusieurs dizaines d’enfants. Il fallut captiver leur attention pendant deux heures sans faire usage du langage. Expérience vivifiante, premier pas sur une longue route, qui permit de constater que chaque geste, chaque syllabe, chaque son est un fragment cohérent qui prend sens et force quand il est donné avec conviction et reçu avec innocence. Les bases étaient jetées. Les premiers résultats allaient surgir en 1971 au cours d’un séjour de douze semaines en Iran. Le Centre, dont l’activité était subventionnée par des Fondations étrangères, et notamment les Fondations Ford et Anderson aux U.S.A. et Gulbenkian à Lisabonne, fut invité à participer au Festival de SMraz-Persépolis. Ce travail, longuement préparé, reçut la collaboration du metteur en scène iranien Arby Ovanessian, du Roumain Andreî Serban, du poète anglais Ted Hughes. Un ensemble d’acteurs iraniens rejoignit le groupe. De l’effort commun se dégagea peu à peu un nouveau langage. Ce fut »Orghast«, dont la création à Persépolis fut saluée par la presse du monde entier comme un événement théâtral notable. Ce qui était cherché dans »Orghast«, comme dans d’autres expériences, c’était la possibilité de communiquer, d’échanger sentiments, émotions et idées, sans passer par les voies habituelles. Autrement dit: un langage commun, hors des langages. Ce fut un peu comme la pose d’une première pierre. De retour à Paris, le groupe poursuivit son travail quotidien, indispensable. Une pièce de Peter Handke, »Kaspar«, servit de support aux directions nouvelles. Elle fut représentée en 1972, à Paris et dans la région parisienne, dans des lieux chaque fois différents, auxquels elle devait chaque jour s’adapter: un centre de jeunes délinquants, un hôpital psychiatrique, un collège scientifique. Chaque jour, à cause précisément de cette adaptation indispensable, la pièce paraissait sous des couleurs différentes, trouvant des échos surprenangs. Au contact d’un public

chaque fois inattendu, ne ressemblant pas au précédent, apparaissait un élément non-verbal, aussi riche que le langage proprement dit. Et chaque jour on voyait se préciser ce qui dans le théâtre doit être fixe et ce qui doit être, sous peine de raideur mortelle, une contsante ré-adaptation. D’autres séances de travail avec chaque fois cette adaptation nécessaire, vitale se déroulaient un peu partout, dans des foyers pour Africains, dans des quartiers peuplés d’ouvriers portugais, dans des écoles diverses, dans un institut pour sourds. Enrichi de multiples visites d’acteurs, de musiciens et de metteurs en scène venus des quatre coins du monde passer un moment à Paris, et apportant avec eux une variété extraordinaire de traditions et d’expériences, le groupe travaillait à la même époque sur un poème classique persan; »La Conférence des Oiseaux«. Et sans cesse, des improvisations, ici et là, dans la rue, les cafés, pour saisir à l’instant ce mystérieux rapport entre un geste ou un son, et tout ce qui l’entoure. Deux longs voyages vinrent élargir cette activité. Le premier se déroula en Afrique et dura quatre mois. Algérie, Niger, Nigeria : le groupe allait de village en village, provoquant le contact, découvrant des échanges nouveaux, recevant chaque jour des influences. Le second voyage se déroula en Amérique, à l’automne 1973, et vit l’heureuse rencontre du groupe et des Chicanos de Luis Valdez, en Californie. Cette rencontre permit aux unset aux autres, non seulement de confronter leurs méthodes de travail mais aussi de jouer ensemble, à différentes reprises. Les membres du groupe participèrent aux spectacles des Chicanos, lesquels en revanche se mêlèrent à »La Conférence des Oiseaux«. La preuve était faite que deux groupes de bonne volonté peuvent, s’ils le désirent, s’offrir de mutuelles richesses. Ce fut ensuite le Colorado, la réserve indienne de Leech Lake, dans le Minnesota, où se déroula une passionnante rencontre avec The Native American Theatre Ensemble, Waterford dans le Connecticut, et enfin New York au mois de Septembre. Ou plus précisément Brooklyn. Le travail se divisa en deux: à l’intérieur et à l’extérieur. A l’intérieur, en plus des représentations proprement dîtes, on vit se dérouler les »Theatre days«: douze heures d’exercices, d’improvisations et de discussions avec un public composé d’étudiants et de professionnels, rencontres et collaborations avec The National Theatre of the Deaf, The Native American Theatre Ensemble. En même temps, utilisant les techniques mises au point au cours du voyage en Afrique, le groupe sortait souvent dans les rues, se mêlait aux diverses communautés de Brooklyn, improvisait, travaillait, donnait et recevait. Une première phase s’achevait. Le Centre était maintenant mûr pour se livrer à une expérience élargie: Tannée 1974 allait en fournir les moyens.