Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

LA FRANCE DE L'ENCYCLOPÉDIE 9

Pouvait-il en être autrement de la part d’un caractère aussi mobile que le sien? Elle n’est pas femme à principes immuables; mais elle sait vouloir, et elle est ferme dansle vouloir. Quand les intérêts de sa politique l’exigent, elle sait prendre une décision avec rapidité, et s'y tenir avec énergie. « Je suis peut être bonne, je suis ordinairement douce, mais par état je suis obligée de vouloir terriblement ce que je veux. » (1) Par état elle fut obligée de favoriser l'anarchie en Suède, de l’imposer à la Pologne, de la combattre en France. Par état elle fut amenée à une foule de compromis et de contradictions. Pourquoi seconder à Varsovie l'anarchie qu'elle combat à Paris ? Parce que celle de Paris contrarie ‘es vues politiques, tandis que celle de Varsovie peut aider au projet qu'elle médite d'un second partage de la Pologne. |

Le fond de sa nature était donc libéral ; elle a des instinets libéraux ; mais l'expérience du pouvoir, l’état de l'Europe et de son Empire, les nécessités de sa politique la guérirent du libéralisme, Sa pensée se transforme avec une élasticité extrême suivant les circonstances, mais il est rare que ce qui sort de sa bouche nesoit pas, au moment même, au fond de son âme. Aussitôt que sa politique l’exige, elle en est quitte pour changer d'avis. Loin d’étouffer la conviction, le rôle qu’elle joue lui fait voir les choses comme elle les veut. La souplesse de son esprit se fait un jeu de recourir aux moyens

(1) Lettre à Grimm du 3 acùt 1774