Ce Que Pense La Jeunesse Europeenne

456 REVUE DES SCIENCES POLITIQUES.

vers les carrières d'ingénieur, de médecin, d'avocat. On ne saurait l’en blâmer vu les conditions misérables faites au personnel enseignant en Yougoslavie et dans les carrières purement intellectuelles en général. Les jeunes filles étudient surtout les langues vivantes, le français en particulier, dans un programme qu'elles voudraient voir complètement débarrassé de latin. La jeunesse actuelle n’aime guère le livre. Elle lit très peu. Elle ne s'intéresse pas au mouvement littérare et artistique. Elle se rendra en masse à une matinée artistique organisée par quelque société d'étudiants et manifestera ses sympathies aux littérateurs, jeunes ou vieux, maïs là se borne son effort dans ce sens. Peu d'étudiants ont une bibliothèque personnelle. Ils ne sont pas bibliophiles et ils n’achètent pas de livres. On dépense surtout pour se vêtir, souvent plus que décemment. Les jeunes filles sont coquettes, la grâcé de la race y aidant. Elles se fardent, en général, bien plus qu'il n'est d'usage parmi les jeunes filles des universités des pays plus occidentaux. Les étrangers en sont surpris. Mais ce n’est qu'une erreur de leur part. Elles s’imaginent suivre de la sorte une mode générale, ce n'est qu'une apparence qui cache de réelles qualités de cœur et d'esprit.

Nos étudiants n'apprécient pas en général la valeur du temps et il le gaspille. Tous les soirs, de six à huit heures, la rue principale de la capitale, le «Corso », est littéralement encombrée par la jeunesse des écoles qui, d'un pas d’enterrement, se promène dans les deux sens. En pleine semaine, à l'heure où l’activité devrait être la plus grande, on se croirait à un jour de grande fête à en juger par le désœuvrement complet de tout ce monde. A cette heure-là, la bibliothèque de l'Université est à peu près vide. Les jeunes gens avides de connaissances et ayant de grands projets intellectuels d'avenir ne sont pas très nombreux. Les jeunes filles désirent obtenir leur diplôme et se marier. Lorsque ce dernier but se réalise d’abord, elles abaridonnent assez souvent le premier. Les jeunes gens désirent devenir des ingénieurs qui auront de bons emplois, des médecins à clientèle nombreuse, des avocats qui seront riches. Les moins ambitieux songent à s'assurer, sans grand effort, une existence plus modeste de fonctionnaire. Mais la soif d'apprendre par besoin intellectuel et les ambitions d'esprit sont assez rares. Fait curieux, et sauf erreur de ma part, on dirait que ce sont parfois les moins doués qui