Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...
— 201 —
Cette fois-ci, les plaintes de Butré furent enfin entendues. Un brevet de pension du margrave lui accorde un secours viager de vingt louis et l’octroi de cette modeste somme de quelques centaines de francs, en le délivrant du cauchemar d'une misère immédiate, le pénètre d’une sincère reconnaissance. Il en devient diffus dans sa lettre de remerciements adressée au margrave, et Charles-Frédéric, en la lisant, dut trouver que le vieil intendant de ses jardins avait considérablement baissé.
« Monseigneur,
« Permettez que je vous présente les témoignages de ma vive reconnaissance de la bienfaisance dont je viens de recevoir les effets. Il ne faut pas moins que tous les malheurs qui me sont arrivés pour avoir pris la liberté de venir vous importuner et solliciter vos bienfaits. Je voudrais pouvoir vous en témoigner toute ma sensibilité...
« Les travaux les plus riches, les plus productifs et les plus agréables sont la formation de vastes jardins remplis de tous les arbres fruitiers. Les avantages nous en sont présentés par tous les Orientaux, tels que les Chinois, les Indiens, les Chaldéens et les Arabes, comme la plus grande félicité de l’homme sur la terre et ces premières nations du globe nous ont toujours annoncé le bonheur sous le nom de paradis, qui, dans leur langue, signifie un jardin délicieux, que nous connaissons encore sous le nom d’Eden, pays enchanté de l'Arabie heureuse. C’est au milieu d’un si beau séjour que l’homme pourrait facilement parvenir à cent cinquante ans, en y jouissant d’une santé pure, sans infirmités. C’est pour jouir de cet avantage que depuis plus de soixante ans, j'étudie cette partie importante de la végétation et que, n'ayant pas les facultés de l’effectuer, j'en fais l’objet de mes plus agréables spéculations et que je désirerais de toute mon âme en assurer à Votre Altesse Sérénissime les heureux effets que jy crois attachés.