Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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réelle et vivante d’une époque. Mais quand on rencontre sur son chemin des individualités secondaires, fussent-ce des médiocrités honnêtes, dont les hasards de la vie ont gardé la trace et conservé pour nous les épanchements intimes, on sera plus sûr de trouver chez eux la note juste, exacte, la photographie, si l’on veut, de leur caractère, de leurs idées, de leurs passions et de celles de leur entourage. Ici point de pose en vue de la postérité, comme dans la correspondance des grands hommes; point de retouches trompeuses comme dans des mémoires, destinés à gagner encore le publie, en même temps qu’à l’égarer, longtemps après la mort de l’auteur. C’est là ce qui m'a paru justifier cette étude sur la vie et l’œuvre bien modestes assurément de M. de Butré. Il m’a semblé qu'après avoir sauvé le reste de ses papiers d’un naufrage plus complet, il était de mon devoir de les mettre en œuvre, afin de montrer, par un exemple concret, ce que voulait cette école des physiocrates, si remuante et si puissante même, un instant, en Europe. Il m'a semblé qu’il n’était pas sans intérêt de faire voir, une fois de plus, qu’à côté des utopistes convaincus et des brillants rhéteurs qui rêvaient de régénérer leur pays et le monde, en remettant au moule la nature humaine, en créant, a priori, toute une société nouvelle, il existait en France des esprits non moins convaincus et peut-être plus sérieux, qui croyaient plus urgent d'améliorer le sort des misérables et de réprimer les abus, en créant aux gouvernements des richesses et des ressources nouvelles. Aujourd’hui que l’histoire ne s'occupe plus seulement des grands de la terre, mais qu’elle compatit aux souffrances des petits et aux vicissitudes des peuples, ceux qui ont, des premiers, consacré leurs forces à cette tâche philanthropique ont bien quelque droit à l’attention, pourquoi ne dirais-je pas à la reconnaissance de notre temps.

Le vieux Butré racontait à satiété, dans ses dernières années, qu'il avait planté de sa main plus de cinquante mille