Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...
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Non, le détail des sentiments d’une âme qui en peint et sert de si intéressants ne peut que toucher beaucoup la mienne, dont une délicatesse au-dessus de toute expression forme le caractère essentiel! »
* Lettre à Mme de S. A., du 28 mars 1777. — Deux ans plus tard, Butré écrivait à la même dame avec un feu qui semblera bien peu philosophique aux simples profanes. Voici ce qu’il lui disait, entre autres, sur l’amitié : « Vos détails sur l’amitié m’ont fait plaisir et ils m'ont paru bien courts. . . .. Pourquoi me citer Montaigne dans une chose où votre cœur seul doit parler et qui s’exprimerait mille fois mieux que ce prétendu philosophe ? . ... L’amitié est l'union intime de deux âmes; deux amis sont donc deux individus qui n’ont qu’un cœur, qu'une âme, dont tous les désirs sont à lPunisson, se communiquant mille fois plus par toutes les expressions des sentiments que par VPusage de l’instrument vocal qui est un signe froid et insipide auprès de ces signes muets que la seule douce affection sait mettre en jeu. C’est la jouissance pure des âmes, dont la vive douceur ne peut jamais s’éteindre, puisque le feu divin qui en est l’aliment ne connaît nullement la satiété et la dissolution. C’est une jouissance de sentiments actifs et pénétrants, qui émeut si doucement les âmes, sans nulle agitation, sans nulle irritation, c’est la situation ravissante des archanges dans l’'Empyrée et qu’on peut comme eux, goûter sur terre, puisque nos
âmes sont une portion de leur céleste essence. . . Vous devez actuellement sentir que l’amitié ne peut exister qu'entre deux individus seuls et qu’on ne saurait avoir ce sentiment pour deux. .... Vous sentez de
même que cette liaison intime ne peut exister qu'entre les deux sexes. L’attrait que la nature a mis entre eux est le penchant secret qui les porte à se réunir et dont ils ne.savent faire usage que pour une action animale où l’âme n’a nulle part. . ... Ainsi vous avez parlé suivant le sentiment naturel en disant que vous donnerez la préférence à l'ami ; cela ne peut être autrement, comme je ne pourrais désirer qu’une amie, mais il me faudrait une âme du tissu le plus délicat et en même temps remplie de tout le feu céleste. Si vous m’aviez parlé autrement, je vous aurais dit que votre cœur était muet dans ce moment. Car quand j'entends me parler d'estime, il me semble voir une âme de pure glace qui me fait des frictions sur toute la surface de l’épiderme. . .., L'amitié ne peut se trouver au milieu de nos cités où tout offusquerait deux âmes livrées à ce doux sentiment ; c’est dans une petite retraite