Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

224 L'ÉTAT DES PERSONNES

main, le mulâtre Raimond rectifie, par lettre, une assertion de Moreau de Saint-Méry et affirme qu'à Saint-Domingue les noirs libres sont au nombre de plus de 30.000. Deux jours après, il obtient, malgré Malouet, d’être entendu par lAssemblée, et il plaide lui-même la cause de ses frères. Il n’est pas douteux que son discours n'ait eu le mérite de préparer la majorité qui devait se manifester le lendemain; car il réduisit à néant le plus gros argument des blancs. Rendre citoyens actifs les noirs libres, disaient ceux-ci, c'est pousser à la révolte Les noirs esclaves. « Eh quoi ! leur réplique Raiïimond, ne sont-ce pas les noirs libres qui forment aujourd'hui, dans toutes les paroisses, les milices qui tiennent en respect les esclaves et font la chasse aux fugitifs? Comment leur élévation à la dignité de citoyen provoquerait-elle la révolte des esclaves ? Par accord ou par imitation ? Peut-on, d'un côté, supposer les mulâtres assez fous, eux qui possèdent le quart des esclaves et le tiers des terres, pour exposer dans une alliance monstrueuse leur fortune, leur vie et le titre de citoyen nouvellement conquis ? Ne sait-on pas, d'autre part, que l’idée mème de citoyen actif est incompréhensible aux eselaves, etque, s'ils avaient eu à se soulever, ils l’eussent fait dès le premier affranchissement de l’un d'eux ? Ne voit-on pas enfin, si les Anglais deviennent menacçants, que le seul moyen de les arrèter est de faire l'union des deux classes, en les rendant égales? » Ces raisons furent appuyées par P. Monneron, dont l’intervention fut décisive. Représentant de l’île de