Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

QUESTIONS COLONIALES ET MÉTROPOLITAINES 19

militaires et financières !. Mais Les blancs ne l’entendaient pas ainsi. Par vanité d’abord, puis par crainte réelle ou affectée à l'égard des noirs esclaves, ils refusaient tout partage ; ils sollicitaient même et oblenaient des aggravations, plus ridicules qu’efficaces, dans la législation?. Quant aux affranchis, ils restaient pauvres généralement et, par suite, Jjalousaient mulâtres et blancs ; ils conservaient, en outre, le contact avec leurs anciens compagnons de chaîne, et ils seront d'actifs agents d'insurrection. La haine de race et la guerre civile étaient donc à l’état latent dans les colonies 3, Les négociants de la métropole prenaient euxmêmes parti dans cette question si complexe ; il y allait pour eux d’un intérêt considérable. L’approvisionnement des colonies en nègres faisait partie de l’exclusif, et, depuis Colbert, la traite élait une branche importante du commerce français. En 1787, ce trafic occupait 92 bâtiments, jaugeant ensemble 32.528 tonnes ; l'importation de France à la côte d'Afrique était de 17 mil-

1. Les milices, dans chaque paroisse, se composaient de trois compagnies, une de blancs, une de mulâtres et une d’affranchis. V. sur leur rétablissement en 1168 les Mémoires de Malouet, 1, 36.

2. Interdiction de séjourner en France (1171), de contracter mariage avec les blancs (1778), de porter les habits des blanes, les noms de monsieur et madame (1719).

3. Ces haines de race ont persisté, malgré les révolutions, à Haïti. Un ministre noir disait en 1869 : « Nous, noirs et blancs, nous nous aimons ef nous nous respectons, parce que nous sommes de races pures; mais les mulâtres !... » « Les mulâtres haïssent leur père et méprisent leur mère » est un dicton toujours en honneur là-bas (cf. Spenser Saint-John, Haïti ou la République noire, trad. fr. de West, p. 124-174, Plon, 1886).