Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (11 OCTOBRE 1790) 237

lettre ministérielle sur l'affaire de Brest (1). La lecture, quoique de style ordinaire, ne peignit point des désordres suffisants pour satisfaire l’avidité de ces Messieurs. On leur donna ensuite lecture d’une lettre de Lyon relative aux assignats; mais ils ne voulurent pas l’entendre. Cette lettre annonçait l'acceptation des assignats et le zèle le plus ardent pour la vente des biens nationaux ; ce n’était pas leur affaire.

L'Assemblée générale de Saint-Domingue a cherché tous les moyens de retarder sa condamnation. Elle n’a pas eu le temps de rédiger le discours prononcé à la barre ni de mettre en ordre les papiers qu’elle a apportés; il lui fallait encore quinze jours ; néanmoins, le rapport a commencé aujourd'hui : il continuera demain. M. Poirier et l'assemblée provinciale du Nord, ayant tenu pour les principes de l’Assemblée nationale, seront certainement approuvés, et l'assemblée générale, qui prétend traiter au pair avec l’assemblée nationale de puissance à puissance, pourra bien être mandée une deuxième fois à la barre, non pour se justifier, mais pour alléguer des motifs d'excuse de son erreur.

L'Assemblée nationale avait précédemment voté l’armement de quarante-cinq vaisseaux : il paraît que le ministre a réduit l'armement à trente; encore cela est-i] incertain. Le ministre chargé d'ordonner l'armement jouerait gros jeu, si l'armement était démontré nécessaire par la suite des événements. On a déjà parlé de porter les forces navales à soixante vaisseaux.

On excusera volontiers les membres de l’assemblée générale de Saint-Domingue. Les amis des noirs ont dû craindre l'abolition de l'esclavage. Ils craignent que les législatures suivantes n'adoptent un jour un parti que l’Assemblée nationale n’a cru devoir que différer. Ils ont voulu se mettre à l’abri d'une révolution qu'ils croient

(1) Séance du dimanche 10 octobre. Moniteur, réimpression, VI, 88: