Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

256 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

peuples s’armeront pour s’entr'égorger; que chaque ville voudra, en dépit des lois, conserver son évêque, et chaque paroisse, son curé; qu'on voudra payer la dîime, malgré qu’on en soit affranchi ; qu’on voudra rétablir tous les droits féodaux, les gabelles, les aides, les moines, les chanoines Les fermiers, les cultivateurs, les ouvriers, les habitants des vilies doivent se coaliser, suivant eux, pour rappeler l’ancien système, ou former deux partis qui se feront une guerre cruelle, qu’ils attiseront, et dont l'issue sera le rétablissement de tous les ordres.

Si le clergé, suivant les principes de la raison et de la véritable religion, se fût conformé au vœu de la nation, toute espérance d’occasionner du trouble eût été ravie. Cette funeste espérance est bien vainement prolongée ; les membres du clergé qui se sont prêtés à cette cruelle épreuve en seront seuls les victimes. Leur sort est décidé ; leurs imitateurs savent ce qui les attend. Les membres de la noblesse ont redoublé d'efforts pour relever le courage de ces enfants perdus. La consternation était peinte sur les visages ecclésiastiques : de temps à autre quelques confédérés se détachaient et rentraient sous les drapeaux de la patrie. Les Cazalès, les Virieu, les d'Eprémesnil, etc., étaient en grande activité pour seconder les efforts de l’abbé Maury, et pour étourdir un plus grand nombre dont l’irrésolution était sensible, Plusieurs curés imbus d’une vieille théologie scholastique, quelques autres aussi incapables de théologie que de raisonnement, quelques autres séduits par les caresses et les flagorneries des évêques,ont mis en avant leur conscienceet leur honneur. Ces lanternes sourdes leur ont dérobé la vue du précipice où on les conduisait. On les a environnés tous ces derniers jours en leur proposant des formules à signer, des dires pour y adhérer. Ils se sont trouvés pris par leur fait et retenus par la honte de la défection, et la contenance de leurs protecteurs.

Les évêques qui avaient eu le courage de publier qu'ils