Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

270 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

raient abandonnées; le contraire est arrivé : chaque bataillon envoyait un détachement d’un côté et un ésal à l’autre extrémité de Paris (1).

Ce jour-là, on avait remarqué quelque altération dans les figures de la Cour, quelque gêne dans les mouvements. Depuis quelques jours, les ci-devant gardes françaises, devenus gardes soldés, voyaient, en frémissant, se grossir le nombre de leurs ci-devant officiers, des gardes du corps, etc. Depuis quelques jours, l’affluence augmentait au château : tous ces braves étaient habillés de noir, armés de poignards et de pistolets. À l'arrestation du premier, il vint naturellement le désir de fouiller tout le monde; le soir, on ordonna à tous de déposer leurs armes dans des paniers qui furent présentés et bientôt remplis. Ces héros dirent qu’ils étaient armés pour la défense du roi, qui était menacé, et non pour faire aucun désordre. Ceux qui déposèrent volontairement leurs armes en furent quittes pour cela. Les autres, fouillés lors de leur sortie, furent désarmés et reçurent force soufflets et coups de pied. Jamais les cordons bleus, rouges, etc., ne se trouvèrent à pareille cérémonie. Un de ces honorables guerriers, remarquant un jeune bourgeois grenadier qui s’exerçait du pied et de la main, s’approcha de lui et lui dit : « Grenadier, j'ai servi pendant dix ans dans les grenadiers; dites-moi votre nom et votre demeure, j'irai vous demander raison. » Le grenadier lui dit: « Je n’ai jamais servi que dans les gardes nationales, je m'appelle. je demeure... Vous me demanderez quand vous voudrez raison de ce soufflet et de ce coup de pied au c.….. que vous méritez et que je vous donne. »

Je crois que dimanche prochain se fera la consécration de l’évêque d’Évreux; cependant je n’en suis pas encore certain. Aujourd’hui je le saurai. (Papiers R. Lindet.)

(1) C'est la journée du 28 février 1791.