Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

282 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

habitations, doivent être bien atterrés par le spectacle de cet empressement avec lequel les ci-devant nobles jurent de défendre la patrie, et de ce concert qui règne dans toutes les classes de la société ! Nous pouvions jurer de défendre la patrie et la liberté des Français : nous pouvons jurer aujourd’hui que les Français seront libres, et qu'aucune puissance ne renversera l'édifice de la Constitution. Déjà, dans Paris, ont disparu toutes les inscriptions, enseignes, etc., qui avaient quelque trait au nom de roi, de reine, de régent.

Deux ci-devant nobles ont voulu jurer obéissance au roi, et l’un d’eux, après cette escobarderie faite à voix basse, allait signer au bureau, d’où il a été honteusement renvoyé. L'un d'eux a motivé son addition du décret qui déclare le roi inséparable de la nation. Ce n'est pas la nation qui se sépare d’un roi qui va se livrer entre les mains de ses ennemis pour l'opprimer. L'Assemblée nationale s'était laissé entraîner, il y a quelques jours, à une mesure qui pouvait devenir bien désastreuse, la Suppression des ateliers de charité (1). Les ennemis de la Constitution avaient mis une grande chaleur pour ia faire décréter ; heureusement il n’y aura rien à craindre de cette multitude d'hommes si facile à séduire. L’insolence de nos ennemis augmentait depuis quelques jours, ils étaient plus discrets, maïs ils menaçaient. Ils annonçaient l'événement, les vengeances : on savait, dès la veille de la Pentecôte, ce projet d'enlèvement, on ne l’a pas prévenu. Plusieurs persévèrent dans leur fureur, et aujourd’hui un de ces scélérats ne craignait pas de dire à un patriote que, dans sept jours, il aurait un arrêt de mort dans sa poche. Quel fonds faire sur les serments de la noblesse quand elle a pressé le clergé de rétracter le sien ? Elle sera fidèle à son serment, si nous sommes les plus forts.

(1) Voir le décret des 16 et 18 juin 1791.