Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (22 JUIN 1791) : 283

Le roi est arrêté à Varennes; les habitants ont sauvé la France des extrémités de la guerre civile et étrangère. Le courrier est arrivé à 10 heures. Le roi allait-il à Metz? ou sortait-il du royaume? problème qui n’est pas encore résolu. On dit qu’il a été ramené à Châlons, et déjà une armée de gardes nationales l’environne. M. de Bouillé avait envoyé des dragons et des hussards pour escorter une voiture d'argent. L’escorte a fait naître des soupçons : les voyageurs n'ont pu faire la route sans descendre au cabaret. On a désarmé l’escorte, conduit l'officier en prison ; les soldats ont reçu les armes qu'on leur a rendues, pour escorter le roi dans l’autre sens. L'Assemblée nationale a nommé trois commissaires : MM. de La Tour Maubourg. Petion et Barnave, pour assurer le retour du roi et de la famille royale, avec pouvoir de donner tous les ordres pour les gardes nationales et les troupes de ligne. Ils sont chargés de faire arrêter M. de Bouillé.

C’est demain l'anniversaire du célèbre lit de justice (1); demain le roi recevra de la part de l’Assemblée nationale une visite singulière. Si je puis avoir, avant la procession de Saint-Germain-l'Auxerrois, à laquelle l’Assemblée nationale assistera, l’Adresse aux Français imprimée (2), je la joindrai à la présente. Voilà nos ennemis encore une fois confondus par leur maladresse : l’indignation et le mépris du peuple sont au comble. On arrêtera les violences, mais que fera-t-on ? Il eût été malheureux que le roi eût été reçu dans Metz, et qu'il en eût fait sa place d'armes ; maisje ne sais quelle position serait la meilleure : celle où nous nous trouvons, et celle où nous nous trouverions s’il eût passé à l'étranger. On était fort inquiet de tous les preux paladins qui devaient l’escorter, se rallier autour de lui, et verser leur sang pour le rétablir; ils ont

(1) Thomas Lindet fait ici allusion à la séance royale du 23 juin 1780. (2) L'Assemblée nationale aux Français. Proclamation décrétée dans la séance du 22 juin 1701. Imp. nationale, 1795, in-8. — Bibl. nat., Le 28/1505.