Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)
312 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET
dont on a fait presque des eunuques pour le sérail ; il nous a donné 1,800 spadassins aux ordres du pouvoir exécutif. Une seule chose a consolé, c’est qu’on a joué un mauvais tour aux ci-devant gardes du corps, dont il s’en trouvera peu en état d'entrer dans cette milice domestique. Le Comité nous a présenté un projet pour des Assemblées constituantes qui ne passera pas, j'espère, tel qu'il est (1). La semaine suffira à peine pour débrouiller ces chaos. Nos successeurs arriveront avant que nous ayons présenté la Constitution.
M. Victor Broglie a reçu les témoignages non équivoques de l’opinion de l’Assemblée à la fin de sa présidence, il a été vivement applaudi, trois fois le même jour.
Nos émigrants commencent à crier misère et à être honnis dans les Pays-Bas. Quelques uhlans ont voulu livrer Bouillé; on a voulu les pendre à Luxembourg, et le peuple a menacé de pendre ceux qui feraient pendre les uhlans. La noblesse de Nancy, qui était partie en menaçant, est rentrée paisiblement et est fort tranquille.
… Vous allez donc aviser aux moyens de nous donner des successeurs : c’est sur eux que compte l'aristocratie désespérée. Trompez son attente. Au reste, elle modère ses prétentions. Il y a peu de temps, il fallait pendre tout le nouveau clergé, en faire un autodafé ; il y a quelques jours, on demandait que l’ancien clergé fût rétabli et que le nouveau eût les coadjutoreries et les survivances; aujourd’hui, on demande qu'on laisse aux peuples la liberté de reconnaître ceux qu’ils voudront, et de s’attacher à leur gré aux nouveaux ou aux anciens pasteurs. Après les essais de capitulation, on finit par se rendre à discrétion. Je ne vous ai pas offert un gîte à Évreux; je suis
(1) À la séance du lundi 29 août, Chapelier donna connaissance du projet des Comités. Malouet en présenta un autre (Moniteur, réimpression, IX; 530).