Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

320 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

CCI. — Au même. Evreux, le 20 décembre 1707.

Mon frère, la masse des assignats en circulation augmente. Cela ne fera pas tomber le prix de l’argent. Les bruits de guerre le renchérissent, bien des gens doivent accréditer ces bruits pour tirer parti de leur agiotage.

I est impossible de ne pas créer de petits assignats : 1° pour faire disparaître cette masse énorme de billets de confiance qui infecte le commerce et qui finira par y donner une grande secousse; déjà les craintes se multiplient et les risques sont incalculables ; des sociétés peu accréditées font de grandes émissions, et ces billets sont contrefaits ; 2° la fabrication de la monnaie, du métal des cloches, ne se fait point et ne se fera que progressivement, et l’on sera toujours dans la disette.

On veut fatiguer le peuple, qui ne tardera pas à se lasser de voir de mauvais papier et pas un sol. Les directeurs des monnaies ont mieux aimé fabriquer les anciens sols que les nouveaux.

Quelques grandes manufactures fabriquent et ne vendent plus. Cet exemple sera peu suivi, à moins que la guerre n’éclate. Ce n’est pas une guerre régulière qu’il nous fallait, c'était une invasion prompte et rapide sur les territoires où il se faisait des rassemblements, après avoir semoncé les puissances qui les protègent.

Les bruits de guerre vont entraver le commerce et les manufactures. Ils vont jeter la terreur et le découragement parmi les esprits faibles : ils vont diviser les meilleurs patriotes. Cette division dans les opinions encouragera les émigrés et leurs protecteurs internes et externes.

Quelle guerre que celle dirigée par les ennemis de la Constitution! Si la nation voulait la guerre, le gouvernement et les émigrés trembleraient et demanderaient la paix. La’nation n’ose désirer la guerre, parce qu'elle ne se ferait pas pour elle, ni comme elle voudrait. Si on