Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

332 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

venue dans une circonstance où elle contraste singulièrement avec un discours que j’ai adressé au peuple. Cependant, elle n’est pas contradictoire. Si je parle de paix, je

des intentions hostiles : il prétend que l’on ne peut pas compter sur les dispositions de la France, que ses procédés injustes envers les princes exigent l'attention des souverains. Il déclare qu’il a donné ordre à ses généraux, dans les Pays-Bas autrichiens, de protéger et de défendre l’électeur de Trèves si nous l’attaquons. Je ne crois pas que nous devions regretter les frais de nos armements, nous avons fait une conquête importante. Les habitants des ci-devant provinces d'Alsace et de Lorraine et de quelques autres provinces ne connaissaient que la servitude. Ils ne croyaient pas que l’on püût briser leurs fers, ils savaient qn'on pouvait en changer, mais ils ne pensaient pas que l'on pût cesser d’en porter. La présence de trois armées a relevé leur courage, Ce mouvement qui répand l'aisance dans ces contrées, y fait aimer la Constitution et la liberté. Jusqu'à ce moment, la dépense n’a été faite que dans le royaume, elle a été utile, elle a produit les plus grands et les meilleurs efforts, 1l serait peut-être à désirer que nous eussions là patience d'attendre nos ennemis ou, du moins, que l’on attendit quelque agression plus caractérisée de leur part.

« L'empereur ne peut pas se dispenser d'armer. Si nous allons à Trèves, tout le Brabant s’agitera pour la liberté. La Prusse pressera le Brabant à l’autre extrémité, et n’agira qu'avec circonspection parce qu’elle ne peut pas cesser d'entretenir ses forces et de fixer ses regards sur la frontière de Pologne. Léopold a moins dessein d'attaquer notre Constitution que de comprimer le Brabant contre une armée prussienne. Cette disposition est nécessaire pour lui conserver des provinces qui ont été libres, qui n'ont jamais cessé de l'être, et qui veulent donner la latitude de l'indépendance à la portion de liberté qui leur était conservée sous le titre de privilège. Les émigrés vont se cacher dans l'intérieur de l'Allemagne. Les menaces de l’empereur n’effraient point, elles excitent l'impatience, et c'est ce mouvement que nous ayons à craindre. Les événements généraux ne sont pas contraires, mais trop de vivacité pourrait occasionner des malheurs particuliers. « On négocie, on intrigue aujourd’hui pour faire différer jusqu'au 15 janvier les décrets d'accusation. On ne parviendra pas à ce but. On rendra demain un grand hommage à l'égalité, on prouvera que les frères des rois Sont ce que sont les autres hommes, que la justice nationale peut, seule, les protéger ou les punir.

___« L'Assemblée nationale vient de décréter qu'elle ne recevra, qu'elle ne fera aucun message de félicitation, aucune adresse, aucune réponse à l'occasion de la nouvelle année. La liberté, le sentiment doivent diriger toutes nos démarches,

« L'Assemblée nationale a complété l'organisation de l'armée, elle a POUrvu au payement des dépenses de Ia guerre et des autres départements. Nous perdrons M. Bertrand, ministre de la marine. Les émigrés le regretteront : il favorisait beaucoup les voyageurs, Sa complaisance le portait à leur faire passer des congés pour justifier leur absence.

« L'Assemblée nationale rend à la liberté les quarante Suisses de Chàteauvieux que l’autocratie des officiers avait envoyés aux galères.

« Nous finissons l’année en faisant tomber les fers des opprimés : nous commencerons l’année 1792 en frappant les oppresseurs » (Arch. Bernay).

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