Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

344 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

donner dans une embuscade. M. Dillon a pu être traître ou imprudent (1). Les imprudences et les trahisons doivent être punies, mais l'assassinat de ce chef, des prisonniers, des transfuges est une atrocité qui peut décourager les chefs, et arrêter la désertion chez l'ennemi, ou engager des combats à outrance. La création d’une justice prévôtale à la suite de l’armée est un cruel remède : des chefs perfides en abuseraient aisément, et les soldats la souffriraient-ils ?

La division dans Paris deviendrait le signal de l’anarchie. Je ne crois pas que les Cazalès et les LallyTolendal fassent beaucoup de prosélytes, mais la présence de ces hommes dans la capitale annonce leurs espérances et leur projet. Voilà des chefs pour ceux qui voudront se rallier autour d'eux. La division dans le parti opposé occasionnera un développement de tous les principes contre-révolutionnaires : les piques seules serviront de contre-poids.

M. de Biron a eu aussi un échec (2); celui-là n’a: pu être suspect, mais il a pu être imprudent. Il faisait bon braver l’ennemi de loin, mais je ne sais s’il n’en coûtera pas ur peu pour le voir de près. On va remuer dans les départements, Nos aristocrates relèvent la crête. Pourvu que Coblentz ne se mette pas en marche, on finira par prendre une marche plus assurée.

On a bien amené les choses au point d’être forcé de dire au clergé, ancien et nouveau : Vous Dayera qui voudra, ou qui pourra; mais cela occasionnera du grabuge ; tout le monde n’est pas philosophe dans les villes et dans les campagnes.

Heureux ceux qui ont placé leurs assignats! Ils vont encore éprouver une sérieuse baisse.

(ï) Les troupes de Théobald Dillon, sorties de Lille le 28 pour se porter Sur Tournai, furent prises d’une terreur panique et, se croyant trahies, dans leur fuite avaient massacré leur général.

(2) Biron s'était porté sur Mons le 29, mais il avait dû battre en retraite derrière Quiévrain.