Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

12 GORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

et la répétition en résulte. Si l'influence de la volonté ou celle des idées suggérées n’interviennent pas, ou agissent trop faiblement pour entraver ce jeu de la passion, elle devient maitresse du sujet; elle dirige exclusivement toutes ses énergies, elle le possède, et toute sa vie n’est plus qu'un effort constamment renouvelé pour satisfaire la passion possédante.

La passion, dans ces trois phases, développante, acquérante, possédante, a ses lois propres d’après lesquelles le désir et l’aversion se modifient réciproquement, se renforçant, se neutralisant et se combinant. Que les premières impressions soient très fortes, avec des réactions faibles de la volonté et de l'intelligence, l'habitude est contractée dès l’abord et ne fait qu'accroître son empire. L’individu subit les effets de sa nature sensible d'une façon de plus en plus irrésistible et qui atteint parfois la régularité du mécanisme; il est lancé dans la vie et la société sans se modifier par les influences qu'il en reçoit, autrement que dans le sens de sa propre passion. Que les circonstances soient d’abord favorables à celle-ci, il devient incapable de voir en elles ce qui le contrarie. Par une attraction inconsciente et spontanée qui fait disparaître de sa représentation les images réductrices, il laisse aux autres images toute leur force d’excitation. C’est l’état de monoïdéisme, dans lequel le sujet est sous l'empire d’une « idée fixe ». Les difficultés mêmes ne font que l’irriter et accumuler en lui la force de propagation des mouvements passionnés. Il vit alors en quelque sorte hors de la réalité, insensible à tout ce qui n’est pas pour son rêve aliment ou obstacle. Chez les mystiques, cet état de sensibilité exclusive est au plus haut point; chez