Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

16 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

sance des choses et de leurs rapports, elles deviennent altentives et fournissent, selon leurs trois degrés, des observations, des concepts et des raisonnements. Il y a des règles pour observer, concevoir et raisonner; on les trouve dans les exemples donnés par les intelligences supérieures, etil est utile de les réduire en formules, pour épargner aux esprits novices la peine de les retrouver d'eux-mêmes et pour leur permettre d'économiser l'effort de la pensée, s'ils veulent faire l'effort. Mais le rappel de ces règles est parfaitement inutile si cette volonté manque, et si l’impétuosité ou la faiblesse des fonctions naturelles enlève toute prise à l'attention. Un Descartes peut se permettre de rejeter comme factices et inutiles toutes les méthodes de pensée dont, en effet, la scolastique surabonde, parce qu'il a « naturellement l'esprit assez bon » et qu'il s’astreint à l'unique règle indispensable : faire attention à chacune de ses idées, depuis les éléments les plus simples jusqu'aux plus complexes. Mais, d’autre part, il est aussi vain de recommander au distrait de La Bruyère d’être circonspect, que d'attendre de Regnard la profonde observation de Molière, ou de chercher dans Lamartine la vision nette de Victor Hugo ou de Saint-Simon. Se rendre apte à recevoir des choses les impressions les plus fortes et les plus variées; assister aux phénomènes en saisissant les particularités voilées pour les esprits distraits ou prévenus, comme Claude Bernard, qui, lorsqu'il faisait une expérience, semblait avoir, dit Paul Bert, « des yeux tout autour de la tête »; puis conserver fidèlement ces impressions, les organiser et les gérer comme un capital intellectuel qu’on rend productif; dissocier ce que l'observation a présenté synthétiquement,