Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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ton. « Le congrès auquel il avait recours ne pouvait guère plus que lui. Sans force pour faire exécuter ses ordres, sans droit pour rien ordonner en matière d'impôt, réduit à indiquer les besoins et à solliciter les treize États d'y pourvoir, il ne pouvait qu’envoyer à Washington des pouvoirs nouveaux, le chargeant d'obtenir lui-même des États tout ce qu'exigeait la guerre‘. » Quand le général avait enfin obtenu cette marque officielle de confiance, il lui fallait reprendre auprès des membres des treize législatures les démarches faites auprès de chaque membre du congrès, agir de même avec ses officiers, souvent avec les soldats, pour les faire rester au service après l'expiration de leur engagement, exercer enfin, à lui seul, sur toute une société en révolution, ce despotisme de la raison persuasive, le seul auquel Ia raison peut céder sans déchoir, mais le seul aussi qui manifeste dans son emploi les génies politiques vraiment supérieurs, puisque le despotisme de la violence est à la portée d’une brute ou d’un fou.

Outre l’action des hommes en Amérique, La Fayette eut à subir celle des événements. En ce sens encore l'expérience ne se fit pas dans les conditions les plus profitables. Le sujet s’y présenta mal préparé par les préjugés qu'il apportait, s'y engagea dans des circonstances personnelles exceptionnelles, y trouva moins l'occasion d'exercer son jugement que de satisfaire sa passion, ne fut sensible qu'à ce qui était conforme à sa nature, et resta fermé aux nuances les plus caractéristiques.

Si l’on s’en rapportait aux souvenirs et impressions de La Fayette racontant les circonstances de

1. Guizor, ibid., p. xxnr.