Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 57

par une sorte de choc en retour qui imite l'inhibition volontaire. À dix-sept ans, sa famille obtient de le faire entrer dans la maison du prince qui devait être Louis XVIII; il parait céder pour ne pas déplaire aux siens, mais il se dérobe par un mot brutal et rompt ainsi toute négociation (I, 8). A quarante ans, à sa sortie d'Olmütz, lorsque Alexandre Lameth lui écrit pour le féliciter, il brusque la rupture par une lettre sèche. En 1798, dans le studieux loisir de Wittmold, il concoit subitement tout un cours de droit public comparé entre l'ancien régime et le nouveau (lettre XLVI); sur une seule objection de sa femme, il y renonce. Dans le conflit des thèses politiques soulevées par la Révolution, il se dérobe derrière le terme vague de liberté, et fait bon marché de toutes les formes politiques. Sa fuite, le 19 août 1792, n'est que le plus grave de ses coups de tête négatifs. Enfin, en présence de toutes les contradictions que soulève ce qu'il appelle « l'amalgame constitutionnel de 1791 », il se dérobe derrière le vote acquis, abdiquant Île droit d'examiner quand l'opinion a prononcé. Énergique excitateur de cette même opinion quand il a le pressentiment de la flatter en la sollicitant et d’en recevoir des acclamations après la réussite, il se retranche derrière elle, dans les défaillances du système plébiscitaire, quand il faudrait, par la virilité de sa direction, montrer à l'opinion une volonté, marque essentielle du génie politique.

Dans l’action volontaire, le sujet se possède luimême et peut répondre des conséquences de l'acte; il les a prévues et consenties; il en a mesuré la portée. Il s’attribue à juste titre la solidarité qui va de ses motifs à son acte, et de cet acte à ses effets dans le monde. Non seulement il est l’auteur responsable