Cour d'appel de Lyon. Procès-verbal de l'audience solennelle de rentrée le 4 Novembre 1873. Camille Jordan

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N'était-ce pas la royauté elle-même, ébranlée par l'affaissement des grands corps qui auraient dû la soutenir en la contrôlant, et mal à l'aise dans l'isolement de sa toutepuissance, qui avait convoqué les Etats-Généraux pour se retremper au contact de la nation? N'était-elle pas revenue ainsi aux traditions les plus recommandables de notre histoire? Ce tiers-état, si longtemps écarté du pouvoir, n'y apporterait-il pas les qualités qui avaient trop souvent manqué à la noblesse, et, en l’associant aux affaires, n’arriverait-on pas à consolider l’avenir par l'alliance de l'antique monarchie avec la société nouvelle ?

Au-dessous de ces deux partis, on entendait gronder les vieux soldats de l'Empire, qui, oubliant tous nos désastres, s'exaltaient au souvenir de cette grande épopée dont ils avaient été les infatigables héros, et les jacobins . qui regrettaient à la fois les années de leur funeste omnipotence et le temps où il leur avait été permis d’abriter leurs souillures sous les livrées impériales ; mais ces vaincus d'hier n'avaient pas fait encore leur apparition sur la scène politique.

Les ultra-royalistes étaient absolument maîtres de la majorité dans la Chambre de 181$. Louis XVIII avait l'esprit trop clairvoyant et trop sage pour se livrer à eux. Il lui en coûtait de les combattre parce qu'il les avait vus souffrir à ses côtés dans l'exil, mais quand il se fut convaincu qu'il fallait renoncer à les ramener, même à les contenir, il se décida à rompre avec eux et à en appeler au pays.