Cour d'appel de Lyon. Procès-verbal de l'audience solennelle de rentrée le 4 Novembre 1873. Camille Jordan

9

« Je parle à tous ceux qui, cachés au cœur de ces con« jurations détestables, sont soupçonnés de les former « et convaincus de Les souffrir. Je parle à ceux qui, gar« diens par état de ces bêtes féroces, sont coupables, « sinon de les lâcher, du moins de ne les enchaîner « pas... Dès qu'on a dit d’un magistrat qu'il a pu « réprimer le crime et ne l’a pas fait, tout est dit; la com« plicité la plus éclatante est marquée dans sa con« duite. »

Celui qui tenait ce langage énergique était un jeune homme de vingt-un ans; il se nommait Camille Jordan. Ce qu'il fit ce jour-là, il l'a fait pendant toute sa vie. Jamais il ne s'est résigné à laisser passer sans protestation ce que sa conscience réprouvait, [l n’a pas connu ce que Mallet-du-Pan nommait si bien Le rourment du silence. Son nom est un des plus purs qui aient traversé cette période difficile de la Révolution et de l'Empire, où tant de caractères ont sombré, et il a cette rare fortune que ceux qui le portent aujourd'hui sont dignes de celui qui l’a illustré.

Aussi, Messieurs, en ce jour où, après nous être inclinés devant les autels pour rendre hommage à celui de qui émane toute justice, nous nous recueillons ici quelques instants pour nous entretenir en commun de fortifiantes pensées, il m'a paru que l'étude de cette noble figure, dont votre ville est justement fière, était un sujet digne de vous.

Camille Jordan, né à Lyon le 11 janvier 1771,