Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

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voulait reconnaitre la République française, et, ses offres éludées, il alla, paraît-il, jusqu'à la menace (1). »

Avec le front et la hâblerie qui caractérisent ses mémoires, Barère, bien qu’en manière d'accusation, n’en confirme pas moins que ce traité avec la Suède fut l’œuvre de Danton :

« Deux seuls incidents, dit-il, qui ne sont point connus parce qu'ils sont de l’intérieur du Comité, méritent d'être rapportés ici... Le premier de ces faits est relatif à la Suède, ou plutôt à M. de Staël-Holstein, ambassadeur de cette puissance.

« Ce diplomate (d'accord avec Danton) se présenta au Comité pour proposer à la Convention l'accession et l'alliance de la Suède, qui offrait, disait-il, de nous fournir un certain nombre de vaisseaux de ligne, de frégates et de petits bâtiments de guerre, avec tous leurs équipages, pour se joindre à la marine française, et coopérer avec elle contre l’Angleterre. L'offre était séduisante; mais l'exécution en parut problématique ou même illusoire. Le Comité renvoya toutes les propositions de M. de Staël à un plus ample examen. Le rapport devait être fait par Danton et par moi, puisque nous élions chargés de la partie des relations extérieures dans le Comité.

« Danton me dit que nous examinerions cette affaire au plutôt et avec un grand soin.

« Quoique mon collègue eût un air de bonhomie et de rondeur dans les affaires, je me défiai de lui, sachant qu'il aimait beaucoup les finances, et ne voulant rien avoir à faire dans cette partie délicate, où l'on peut être soupçonné très facilement de corruption et de partage.

« Je ne m'étais pas trompé. Deux jours après, Danton vint me parler en faveur du projet de M. de Staël, qu'il trouvait merveilleux pour la France, dans un moment où elle n'avait pas un seul appui, pas un seul allié en Europe. « Les douze ou quinze « millions demandés par la Suède, dit-il, pour cet armement mari« time et pour sa coopération, méritent sans doute qu'on marchande « un peu l'ambassadeur sur cette somme exigée en numéraire, «quand il n’y à dans le Trésor que des assignats ; mais il y a là « quelque chose à faire avec la Suède, il ne faut pas laisser échap« per cette occasion de se faire un allié naturel et utile.

(1) Correspondance diplomatique du baron de Slaël-Holstein, ambassadeur de Suède en France; 1 vol, in-80, Paris, 1881,