Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

LA POLITIQUE DE DANTON. 129

sénat, d'une judicature majeure, d’un gouvernement, d’une intendance générale, d'une direction générale de gabelles, d’une trésorerie générale, d’un évêché, d'un état militaire et de tout ce que la ci-devant Savoie avait de nobles aisés.

« Les agents supérieurs de tous ces établissements avaient disparu, pour la plupart, à l'entrée des Français, et les suppôts et sous-ordres, fatigués par le despotisme des commandants militaires, et espérant un nouvel ordre de choses qui pourrait allier la cupidité, l'égoïsme et l'esprit de chicane avec la liberté, avaient complaisamment enduré une Révolution qu'ils se proposaient de morceler ensuite dans les points qui pourraient leur préjudicier.

« Dès qu'il a été question de l'établissement du chef-lieu du département et de la circulation des assignats, alors nous avons vu s'élever une multitude de réclamations présentées par des ci-devant patriciens affamés, appuyées par des ci-devant privilégiés récalcitrants et fomentées par des prêtres fanatiques et désespérés, qui tous, aujourd'hui, se coalisent contre le triomphe de notre Révolution, après avoir eux-mêmes sollicité d’être admis au partage de ses bienfaits.

« Une société, dite de Jacobins, mais remplie d'hommes suspects, d’espions, d’aristocrates, de Piémontais, et qui, n'ayant que des formes et des apparences de communes avec les respectables sociétés populaires dont la France est couverte, souille ses délibérations en les subordonnant habituellement à l'intérêt des individus qui la dominent; une municipalité composée de procureurs et d'avocats qui voudrait contenir tous les districts dans son arrondissement et ne rien faire sans salaire; un sénat agonisant qui regrette ses vieilles formes et pleure ses épices ; une administration provisoire dont Ja majorité des membres, avec l'air d'opiner publiquement, apporte des délibérations préparées par l'égoïsme et l'intrigue dans des conventicules journaliers ; une nuée de prêtres et de commissaires à terriers qui voient avec désespoir déchirer ces chartes religieuses et féodales dont ils fournissaient les explications lucratives : tout cet ensemble incivique, soutenu par une habitude d'espionnage très actif, que, d’une part, la cour de Turin entretient autour de nous et de l'armée, et que, de l’autre, continuent pour leur compte les habitants d’une ville cupide où tout espionne, depuis le maire jusqu'au mendiant, a formé contre les commissaires de la Convention un projet de désorganisation auquel se joint tout ce qui déteste la Révolution dans le département et dont souffre et gémit la majorité des citoyens dans les petites villes el surtout dans les campagnes.

« Leur grand système est de nous déconsidérer, de nous neu-