Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

LA POLITIQUE DE DANTON. 133

et par la plupart des Girondins, ainsi que des Montagnards, ceux-ci en beaucoup moins grand nombre, elle fut définitivement accaparée par les Hébertistes, dont elle constitua toute la politique à l'égard de l’étranger.

Pour eux et pour Cloots, il n’y avait qu'un souverain : le seigneur genre humain, le peuple, maitre absolu de la planète; qu'une loi : les droits de l'Homme, la souveraineté du peuple; qu'un mode légitime de relations internationales : la République universelle; qu’un moyen normal d'administration publique : la division de toute la terre en municipalités et en départements, sous l’action de Paris. chef-lieu du globe, et symbole ou signe tangible de l’unité de l’espèce. Corps et biens, tous les peuples, tous les germains ou tous les frères devaient faire partie de l’immense matrte.

L'événement seul, c’est-à-dire une guerre acharnée, gigantesque, de presque toute l’Europe contre la France, et qui dura vingt-huit années, depuis 1793 jusqu’en 1815, — elle couve encore, de nos jours, sous la poussière des traités, — pouvait démontrer l'inanité d’une telle espérance. Mais, au début, les plus fermes eux-mêmes y furent pris ; très peu échappèrent au mirage.

Rien ne le montre mieux que la déviation présentée à cet égard par une intelligence aussi exceptionnellement élevée et vigoureuse que celle de Condorcet.

Jeté par la force des choses dans la politique quoiqu’il fût doué d’une nature qui le destinait essentiellement à la vie spéculative, il y subit la pression des événements et de la doctrine comme s’il n’eût été qu'un esprit ordinaire.

Son premier discours sur la politique extérieure, à l’Assemblée législative, et la déclaration aux puissances qui en est le corollaire, étaient un commentaire admirable des convictions pacifiques, antimilitaires, qui avaient inspiré la Constituante; et, néanmoins, Condorcet en arriva progressivement à admettre la guerre de propagande dans diverses adresses qu’il rédigea peu de temps après : Aux Hommes libres, Aux Espagnols, Aux Bataves, Aux Germains ; enfin, il en consacra définiti-

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