Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

140 DANTON ÉMIGRÉ.

représentant du PEUPLE SAUVEUR); dans ses discours à la Convention sur le retour du baïllage de Schambourg à la France (1), et sur les bases philosophiques et politiques de l’établissement de la République universelle (2); dans celui qu'il prononca aux Jacobins sur la nécessité d'une croisade civique; enfin, dans son adresse aux patriotes bataves, 1793, partout Cloots présenta la Révolution française comme le commencement de la régénération du genre humain, la France comme l'agent de cette immense transformation, et Paris comme la capitale de la République universelle.

Pour lui, l'opération consistait, nous le répétons, à municipaliser, départementaliser et républicaniser toute la Terre, et à obtenir ainsi l’unité de l’espèce par la propagande armée, ou par la guerre de délivrance.

Sa doctrine, à travers beaucoup d’obscurités, d’incohérences, d'erreurs fondamentales et d'utopies enthousiastes, offrait des vues neuves, sagaces, parfois profondes, des aperçus d'avenir pleins d'intérêt, une sociabilité élevée, une émancipation théologique complète et un certain pressentiment du régime des lois naturelles; enfin, elle arrivait, comme chez les Encyclopédistes, jusqu’à la conception incontestable, quoique encore trop vague et trop indéterminée, un peu mystique, de l'avènement de l'Humanité, que, de nos jours, la philosophie positive a enfin systématiquement et scientifiquement dégagé et concu (3).

Cependant, on a beaucoup ri, dans notre siècle refroidi et jouisseur, de ce mouvement aussi généreux qu'irrésistible, et les hommes considérables s'en sont donné à cœur joie sur le noble sentiment de fraternité et de dévouement qui l'avait inspiré.

Ce n’est pas à ce point de vue que nous avons entendu le juger, et nous tenons à protester de tout notre respect, de notre estime profonde pour cette aberration

(4) Moniteur, 1 février 1793.

(2) Ibidem, et pièce n° 18, à la fin du volume.

(3) V. la pièce no 18, discours de Cloots à la Convention sur les bases rationnelles de la République universelle.