Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

186 DANTON ÉMIGRÉ.

1794, un certain Frère, lieutenant à la Compagnie des Arts (formée d'artistes parisiens), et qui ne serait autre que le père de la Lisette de Béranger, «joignit à sontitre celui de commissaire en chef des sciences et des arts des pays conquis, avec la mission d'expédier en France ce qu'il y avait de plus remarquable dans lesdits musées.

« Les bourgmestres des villes belges, ignorant qu'il maniait le pinceau aussi bien que l’épée, cherchaient à lui donner le change dès qu’il pénétrait dans les musées; mais il marquait les meilleurs tableaux à la craie et les faisait enlever aussitôt, au grand ébahissement des dignes magistrats. »

«Nous avons eu dans les mains, ajoute M. T. Bernard, la commission, dont nous reproduirons le premier article comme caractéristique des mœurs du temps :

« Bruxelles, le 30 messidor, l’an II de la République.

« Les Représentants du peuple près l’armée du Nord...

« Art. 1e. Informés que, dans les pays d’où les armées victorieuses de la République viennent de chasser les hordes d’esclaves soldés par les tyrans, il existe des morceaux de peinture et de sculpture et autres productions du génie; considérant que leur véritable dépôt, pour l’honneur et le progrès des arts, est dans le séjour et sous la main des hommes libres, arrêtent ce qui suit... »

« Cette pièce était signée Laurent Richard et L.-B. Guyton (1). Ce dernier n’est autre que le fameux Guyton de Morveau, l’illustre chimiste connu par ses belles expériences sur la désinfection de l’air (2). »

Voilà donc le comité de Salut public en flagrant délit de bonapartisme ! — Et la guerre de délivrance ? et la fraternité des peuples ? et la protection des opprimés ?

La guerre de propagande n'était, au vrai, qu'un

(1) Tous deux députés à la Convention nationale; le premier pour le département de la Sarthe, le second pour celui de la Côte-d'Or. — R.

(2) La Liselte de Béranger, Souvenirs intimes, par Thalès Bernard ; in-16, chez Bachelin-Deflorenne. Paris, 1864.