Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

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des raisons aussi hautes qu'inconnues en ont sans cesse retardé l’accomplissement. A la fin, nous nous trouverons heureux d'avoir été choisis pour son organe. Il nous a expressément chargés de solliciter vivement auprès de vous pour ne faire qu’un seul peuple avec le peuple français. Revenez Français, nous a-t-il dit avec une douce menace, où ne revenez jamais plus.

Représentants d’un peuple libre, accueillez nos vœux : vous le devez, parce qu'ils sont justes; vous le devez, parce qu'il y va de la dignité et de l'intérêt du peuple français.

Daignez nous accorder quelques-uns de ces instants précieux que vous employez si glorieusement pour le bonheur des hommes : ils ne seront point perdus si vous les accordez à celui du peuple de Nice.

Le ciel nous est témoin que depuis la Révolution française le lyran du Piémont n’a jamais cessé d’insulter, outrager et provoquer le peuple français et attirer son ressentiment sur ces habitants infortunés que ses prédécesseurs avaient déjà perfidement joués et lâchement trahis; que, sourd aux eris des citoyens dont le cœur n'était pas corrompu par le soulfle empoisonné des émigrés, loin de repousser de ses Etats ces fugitifs rebelles aux lois de leur patrie, qui soufflaient partout la discorde et le désordre, il les a accueillis avec empressement, les a protégés dans leurs tyrannies, en a souffert et même secondé les complots détestables; leur a sacrifié des citoyens honnêtes ef paisibles qui n'avaient d'autre crime que de n'avoir pas en horreur la Révolution francaise, de ne pas crier au carnage, à la destruction, à l'extermination, à l’instigation de cette cabale abhorrée; il a appesanti son sceptre de fer sur un peuple doux et patient qui ne demandait que la paix, la tranquillité et l'obéissance. Par des outrages sans fin faits au nom français, dans le territoire de Nice, il a exposé ce peuple au ressentiment d'une nation puissante qui sait autant venger les affronts que défendre el protéger la liberté et l'humanité.

À la fin, pour comble de perfidie, lorsque les armées françaises se sont présentées pour tirer vengeance de tant de crimes, il a lächement abandonné ce même peuple qu'il avait si iniquement exposé; il l'a abandonné dans la plus cruelle anarchie, sans lribunaux, sans chefs, sans défense, sans police, sans même l’averir qu'il l'abandonnait; il l'a renoncé comme on renoncerait des criminels. Eh bien! nous le renoncons à notre tour; nous re voulons plus de lui; nous ne voulons plus de roi : nous nous donnons, ou plutôt nous voulons étre réunis à la nation française, à notre ancienne patrie, de laquelle nous avons été séparés par l'altentat de nos tyrans.