Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

PIÈCES JUSTIFICATIVES. 203

Augustes représentants! ne nous répoussez pas; il y va de votre dignité.

Vous nous avez invités, par l'organe du général Anselme, dans son adresse du 28 septembre, à nous séparer denostyrans; vous nous ayez proposé pour récompense le bien le plus précieux, la jouissance de la liberté; vous nous avez promis de nous la faire partager à jamais. Powrrions-nous étre libres sans étre Frangais? Non, des obstacles insurmontables s’y opposent : notre position est telle que nous ne pouvons élre que Français où esclaves.

Nous nous sommes rendus à votre invitation; nous avons couru au-devant de vos armées; nous avons invité leur général à se rendre aù milieu de nous pour nous gouverner, pour nous fraterniser (sic). IL nous a reçus, il est entré aux acclamations d’un peuple ivre de joie : nous avons juré d’être fidèles à la nation et à la loi, de défendre la liberté et l'égalité et de mourir en les défendant. Et comment serons-nous fidèles à la nation, si elle nous repousse? Malheureux habitants de Nice! serions-nous réduits à nous voir abandonnés par nos tyrans et repoussés par nos libérateurs ?

Non, vous ne nous repousserez pas : il y va de votre intérêt.

Eh quoi! vous priveriez-vous du plus redoutable rempart que vous puissiez opposer aux entreprises des tyrans qui vous entourent? Offrez la liberté aux peuples dont les despotes oseront entreprendre sur vous, et les despotes disparaîtront de la surface du globe; mais si vous repoussez les premiers qui l’acceptent, quel est le peuple qui en osera suivre l'exemple ? Quel est le peuple qui voudra se séparer de son tyran au risque d'en devenir “encore la malheureuse victime ?

On nous a demandé, au nom de la nation, les trésors qui lui appartiennent, les richesses des églises, les biens des couvents, ces dépôts sacrés des peuples, ces ressources fécondes dans les calamités : nous les avons fidèlement consignés à la nation que nous avons adoptée. Que penserait donc l'Europe, que penserait le monde entier, du peuple français, si, après avoir tari la source de nos trésors par l'appät de la liberté qui nous était offerte, il nous repoussait ensuite de son sein, plongés dans l’indigence, à la merci des tyrans implacables dont nous serions infailliblement les victimes ?

Ce n’est pas une conquête que nous vous proposons de garder, c'est un peuple qui réclame votre fraternité que nous vous prions de recevoir; un peuple qui a déjà appartenu à la nation française; qui a été arraché de la nation française; qui, devenu libre, demande d'être réuni à la nation française ; un peuple que vous