Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

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idées aristocratiques de l'influence et de la protection; c’està-dire, que nous permettrons à ces petites républiques de faire tout ce qui nous convient : malheur à elles si leur industrie contrarie la nôtre; nous serons jaloux de leur commerce, de leurs manufactures, de leurs pêcheries. Nos barrières les cerneront; la contrebande provoquera des rixes. Nous aurons de part et d'autre des commis, des soldats, des citadelles, des camps, des garnisons, des escadres. Mais, dira-t-on, nos voisins libres auront pour nous un amour inaltérable ; ils excerceront lucrativement leur industrie, en se reposant pour leur défense sur nos armées, nos forteresses el nos trésors, c’est-à-dire, que leur industrie tuerait la nôtre; car la main-d'œuvre ne sera pas chère dans un pays dont la dépense publique retombera en grande partie sur nous. Il faudra donc recourir au système prohibitif, à moins de faire payer un tribut direct à nos chers et aimés voisins. Ennemi et voisin sont termes synonymes dans les langues anciennes. Un peuple est aristocrate à l'égard d’un aulre peuple. Les peuples sont nécessairement méchants; le genre humain est essentiellement bon; car son égoïsme despotique n’est en opposition avec aucun égoïsme étranger. La République du genre humain n’aura jamais dispute avec personne; car il n’y à point de pont de communication entre les planètes. Rome et Albe, Gênes et Pise, Bologne et Modène, Florence et Sienne, Venise et Trieste, Marseille et Nice, Metz et Nancy, Amsterdam et Anvers, se portaient une haïne dont les historiens et les poètes nous ont iransmis les relations lamentables.

J'ai observé dans mes longs voyages que chaque ville donne des sobriquets odieux ou ridicules aux villes voisines; cet acharnement se fait aussi remarquer dans les campagnes; et si vous voyez deux ou trois personnes assises devant la porte de leur maison, vous pouvez parier que la conversation n’est pas au profit du voisin. Voulons-nous rétablir la paix sur notre continent? Faisons pour l'Europe ce que nous avons fait pour la France.

Un département n’est pas sous la protection d’un autredépartement, mais une petite République sera plus où moins sous la protection d'une grande République ; or, voilà un germe d’aristocratie dont les développements coûteront cher aux protecteurs et aux protégés.

Quant à la formation du gouvernement, il n'y a pas un seul Français qui ne rejetât avec indignation le régime américain. La souveraineté du peuple homogène ne saurait admettre la bascule auglaise, ni aliéner le veto le plus mitigé. Le rapport d'un décret précipité, est un remède préférable au veto anglican. Cela perdrait un sénat aristocratique, cela sauve une Assemblée nationale.