Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

LES JACOBINS ANGLAIS. 71

Copie d'une lettre de M. Condorcet, secrétaire de l'Académie des sciences de Paris, à M. Priestley, à Londres :

« Paris, le 30 juillet 1791,

« Monsieur et très illustre confrère,

« L'Académie des sciences m'a chargé de vous exprimer la douleur dont elle à été pénétrée au récit de la persécution dont vous avez été la victime.

« Elle sent tout ce qu'ont perdu les sciences par la destruction des travaux que vous aviez préparés pour elle.

« Ce n’est pas vous, monsieur, qui êtes à plaindre : votre vertu et votre génie vous restent et il n'est pas au pouvoir des hommes de vous ôter le souvenir du bien que vous leur avez fait; ce sont les malheureux dont de coupables manœuvres ont égaré la raison et dont les remords ont déjà puni le crime.

« Vous n'êtes point le premier ami de la liberté contre lequel les {yrans aient armé ce même peuple dont il défendait les droits, C’est le moyen qu'ils se réservent contre celui que son désintéressement, l'élévation de son âme et la pureté de sa conduite mettent également à l'abri de leurs séductions et de leurs vengeances. « Ils le calomnient, parce qu'ils ne peuvent ni l'intimider ni le corrompre ; ils arment contre lui les préjugés, quand ils n’osent même essayer d’armer les lois; et ce qu'ils ont fait contre vous est l'hommage le plus glorieux que la tyrannie puisse rendre à la probité, aux talents el au courage.

« Il se forme actuellement en Europe une ligue contre la liberté générale du genre humain; mais depuis longtemps il en existe une autre occupée de propager et de défendre cette liberté sans autres armes que la raison, et celle-ci doit triompher. Il est dans l'ordre nécessaire des choses que l'erreur soit passagère et la vérité éternelle, sans cela elle ne serait pas la vérité. Les hommes de génie, soutenus de leurs vertueux disciples, mis dans la balance avec la tourbe des intrigants corrompus, instruments ou complices des tyrans, doivent finir par l'emporter sur elle.

« Ce beau jour de la liberté universelle luira pour nos descendants; mais du moins nous en aurons vu l'aurore, nous en aurons goûté l’espérance, et vous. monsieur : VOUS en aurez accéléré l'instant par vos travaux, par l'exemple de vos vertus, par lindignation qui, dans l'Europe entière, s’est élevée contre Vos persécuteurs, par l'intérêt d’attendrissement et d’admiration qu'a excité ce malheur qui n’a pu atteindre jusqu'à votre âme,