Ferdinand IV et le duc d'Orléans : Palerme, 9-17 Mars 1813

FERDINAND IV ET LE DUC D'ORLÉANS 7

belle que sa malheureuse sœur Marie-Antoinette, elle avait de la majesté, un bras superbe qu’elle déployait avec complaisance, l'œil vif, mais dur, la démarche noble, mais un peu guindée. Elle parlait beaucoup et avec facilité dans plusieurs langues, disait des choses spirituelles et en même temps des choses tout à fait déraisonnables. Elle se plaisait à écrire: j'ai vu d'elle de longs mémoires rédigés en français, et presque sans ratures, dans l’espace de quelques heures de temps. Elle était à la fois prudente et étourdie, douce et arrogante, réservée et coquette, philosophe et superstitieuse. Toute sa vie elle a passé pour avoir des mœurs très dissolues et l'apparence même des mauvaises mœurs paraissait la blesser et elle élevait ses enfants dans les principes de la plus rigoureuse décence et honnêteté... Généreuse jusqu’à la prodigahité, elle donnait toutes les semaines à de pauvres familles le fruit de ses épargnes; mais en même temps elle comblait de bienfaits des personnes qui en étaient tout à fait indignes et son ministre favori et ses espions et Les plus vils délateurs. Elle croyait sans examen tous les rapports qu'on lui faisait sur les mauvaises dis positions du peuple à son égard, et ne pouvait ajouter foi même à la reconnaissance de ceux qu'elle avait obligés... »

Trop fière pour s’abaïsser jusqu'à relever les calomnies qu'on ne cessait de répandre sur son compte, elle éprouvait une sorte de satisfaction à voir formuler contre elle les accusations les plus absurdes, à s'entendre reprocher des actes commis par le roi. Se souciant peu de l'opinion de ses contemporains, elle répétait souvent cette phrase que l’on trouve plus d’une fois dans les leitres qu’elle adresse à sa fille Thérèse, femme de l’empereur François : « Je laisse mes justifications au temps et au ciel. »

Bentinck et lord Castlereagh connaissaient à fond MarieCaroline : ils savaient qu'elle était femme à se jeter dans toutes les extrémités et que, décidée à conserver à tout prix le pouvoir, elle n’hésiterait peut-être pas à rechercher l'amitié et l'alliance de Napoléon. Deux caractères aussi entiers, aussi indomptables que ceux de la Reine et de Bentinck devaient se heurter d’autant plus vite et d'autant plus violemment que le nouveau représentant de l'Angleterre croyait fermement à l'existence de pourparlers et de négociations entre la Reine et