Garat 1762-1823

GARAT. 141

ce qui avait été, il est assez naturel qu'ils aient vécu dans une désorientation complète et soient devenus pour ainsi dire les jouets presque inconscients des événements.

A côté de ceux-ci, d’autres sentirent leurs sentiments grandir et s'élever à la vue du panier à son et de la guillotine; l’échafaud les anoblit, les épura et, tel qui eût récriminé devant l’applicalion d'une légère pénalité, marcha bravement à la mort. Bien plus, au lieu d’effrayer, la mort attire certains qui l'espèrent, l’atiendent impatiemment, dans une sorte de fascination. Cette coquetterie de bien mourir n'est pas spéciale et particulière à un parti : les extrêmes se touchent alors, la férocité la plus hideuse comme la noblesse la plus désintéressée se rencontrent au pied de l’échafaud dans ce même sentiment, et tous, royalistes, terroristes, septembriseurs, hommes, femmes, vieillards, enfants, riches, pauvres, nobles et roturiers sont bien tous égaux devant la guillotine par le courage et la grandeur de leurs derniers moments. Seule, madame Du Barry! fait excep-

1. Madame Vigée Le Brun, Souvenirs, t. I, p. 112 et suiv., ouv. cit.