Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

LES DEUX LA ROCHEFOUCAULD 113

étudier sur place les bases d’une démocratie honnête et ordonnée. Son voyage est une enquête. Talleyrand le rencontre à New-Yorck et écrit à M" de Genlis: « M.'de Liancourt est-ici faisant des notes, demandant des pièces, écrivant des observations, et plus questionneur mille fois que le voyageur inquisitif dont parle Sterne. » Tout ce qui tient aux vices et aux vertus de l’admiñistration dans la politique, dans l’agriculture et dans le commerce est sondé par lui.

Des États-Unis, il passe au Canada. Là, un épreuve l'attend devant laquelle sans doute d’autres auraient succombé.

Louis XVIII, qui n’est pas à cette date le prince libéral et mesuré qu’il devint par la suite, furieux qu’un gentilhomme appartenant à la maison du roi se soit permis de penser d’une façon différente de la sienne, lui écrit pour demander sa démission de grand-maître

de la garde-robe. Liancourt répond « qu’il a été heureux, pendant près de vingt ans, d’être attaché par cette charge au vertueux roi Louis XVI, mais qu'il ne reconnaît pas à un autre le droit de lecontraindre à la conserver ou à la rendre » (1). Vingt-quatre heures après il reçoit de lord Dorchester, gouverneur des possessions anglaises, un ordre d'expulsion. « Il est en moi, profondément en moi, s’écria le patriote, de préférer garder toute ma vie mon état de banni et de pauvre diable, à me voir rappeler dans mon pays et dans mes

(4) Vie du duc de Liancourt, par son fils, page 47.