Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

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Ce système était une reproduction de la constitution anglaise; ceux quilerecommandaient faisaient ce raisonnement : « II réussit en Angleterre, donc il réussira en France! »

Dans la loyauté de leur double amour de démocratie et de royauté, ils ne voyaient pas qu’ils venaient d'arracher à leur édifice la pierre angulaire, c’est-à dire l'aristocratie. Sans ce corps constitué, l'Angleterre depuis longtemps eût passé de l’état de monarchie à celui de république. — Lui, en effet, représente des droits particuliers, droits de préséance, droits de propriété ; le sol est sa chose. Ses parties sont si vigoureusement soudées qu'il est de force à tenir tête aux petites gens s'ils venaient à revendiquer leur individuelle souveraineté. Il est pour la royauté une assis e terrienne, sur laquelle celle-ci peut s'appuyer de tout son poids. Mais en France, sur quelles bases édifier une seconde chambre, de force à se mesurer avec la première, alors que la révolution se faisait sur le mot d'égalité, alors que l'abolition des privilèges, des distinctions honorifiques en était sinon la seule, du moins la première cause? Quelle utopie! — Et si l'établissement d’une seconde chambre aristocratique par la naissance de ses membres et parleurs droitsspéciaux était un mythe, que devenait l'exercice du veto absolu destiné à sauvegarder l’autorité royale ? Un autre mythe, un veto aérien, destiné à s’évaporer dans les nuages !

On s'explique mal que des royalistes aussi loyaux que Clermont-Tonnerre n'aient pas aperçu ces incom-