Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

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serait souvent considérée avec envie ou inquiétude. Des ambitieux ou des démagogues lui supposeraient facilement des torts et profiteraient de toutes les circonstances pour l’affaiblir ou la détruire. L’usurpation de l’autorité royale entraïnerait la perte de la liberté publique. La démocratie (1) dans un grand Etatestune absurde chimère. Jamais le trône ne perdit son autorité que pour faire place au joug avilissant de l’aristocratie; etce sont les invasions successives de ceux qui composaient les assemblées générales, sous la première et la seconde race de nos rois, qui ont produit en France la tyrannie féodale ; ainsi, défendre l’indépendance de la couronne, c’est défendre la liberté du peuple (2)! »

C'était parler d’or; mais pourquoi alors avoir proclamé la souveraineté absolue du peuple ? Raisonner comme un royaliste etse faire l'illusion de croire que l’on raisonne comme un démocrate! Nier la démocratie tout en la proclamant, et la proclamer tout en la niant! Car les mêmes hommes qui venaient d'affirmer « que la démocratie dans un grand Etat est une absurde chimère » ajoutaient : « Nous rivaliserons avec les plus démocrates en respect pour nos semblables, en amour pour l'égalité (3). » Afin d'éviter ce qu'avait de choquant le mot de « veto absolu » ils proposaient de lui substituer cette formule : « Le roi

(1) Iei le mot démocrate signifie gouvernement direct du peuple et non pas « réformes populaires ».

(2) Séance du 4 septembre 1789. Mounier.

(3) Séance du 4 septembre 1789. Mounier.