Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

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rencontré (1); » et en matière d'esprit, Talleyrand s’y connaissait. — Quoi qu'il en soit de mon jugement, qui ne peut être qu'un jugement de seconde main, je me sens assez dégagé de ce qu’en langue moderne on appellerait « le snobisme de famille » pour juger avec une impartialité absolue la carrière de mon aïeul et son action publique.

De la tradition des siens, de celle du nom qu’il portait, je ne veux dire que peu de choses. — Les Castellane étaient de très vieux gentilshommes. Leur origine se perdait dans de tels lointains (2) que plus que d’autres peut-être ils auraient eu des motifs de demeurer attachés aux privilèges féodaux.

Provençaux, batailleurs, leur sang était un sang chaud. L’un d'eux, en 1257, fut décapité pour s'être mis à la tête d’une révolte de Marseillais (3). Tous ou à peu près tous avaient été soldats : et rien que soldats. — Depuis un siècle pourtant, ils s'étaient initiés au maniement des grandes affaires de l’état. François de Castellane, comte de Grignan (4), avait été sous Louis XIV gouverneur de Provence. Son proconsulat fut un des plus fructueux pour ce grand pays, qui représentait alors comme étendue un vingtième de la France. — Qui a lu les lettres de M»: de

(4) Anecdotes de famille.

(2) L'acte d’'inféodation de la baronie de Castellane par l'empereur Othon remonte à l'an 825.

(3) Nostradamus, Histoire de Provence.

(4) Une branche de la famille de Castellane avait été substituée, au xve siècle, aux nom et armes des Grignan, lesquels

s'étaient confondus un siècle plus tôt avec les Adhémar de Monteil, illustre maison de Provence.