Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française
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amener les honnêtes gens, par des degrés insensibles mais sûrs, à abjurer les principes de notre Constitution et à coopérer à leur propre soumission aux aristocralies de Virginie et de NewYork. Ge que j'ai dit peut vous pousser à me laisser dans un coin comme un grognon, mais en ce point vous seriez déçu. Îl y a toujours dans les affaires humaines un contre-courant qui s'oppose au bien comme au mal. Tant que durera la forme républicaine, nous ne serons pas trop mal gouvernés, et, lorsque nous serons de nouveau lancés en plein sur la mer tempétueuse de la liberté, notre Cromwell ou notre Bonaparte devra, pour complaire aux habitudes nationales, nous donner tout au moins un pouvoir judiciaire indépendant et quelque chose comme une représentation du peuple!. »
D'ailleurs à côté de ses craintes il trouvait quelques raisons de se rassurer ; il y a des chances pour que la nation se reprenne elle-même et l’homme d'État héroïque, comme un chirurgien intrépide, n’hésite pas à compter parmi les stimulants possibles même une attaque de l'étranger : « Notre population est dispersée et (permettez-moi une comparaison grossière) comme la petite bière, plus sujette à la fermentation acide qu’à la spiritueuse. Il est probable que le relàchement des mœurs influera surtout sur l’administration de la justice, sera caractérisé par la fraude plus que par la violence et finira en bassesse plutôt qu’en tyrannie. Mais il y a, comme vous le savez, un point de dépression, arrivées auquel les choses retournent en sens contraire. Il ÿ a aussi des chances qui peuvent nous toucher avant que nous atteignions ce point ultime. Faisant partie de la grande famille des nations, notre famille ne peut ignorer notre condition. Elle doit s’apercevoir que, sans force pour protéger un territoire et un commerce très étendus, sans sagesse ni vigueur dans nos conseils, nous offrons un bel objet à sa cupidité. Si nous ne recevons pas de larges indications en ce sens dans dix ans, cela pourra être eompté au nombre des phénomènes moraux ?. »
Ce qui le préoccupe surtout c'est la nécessité d'une aristoératie dans une république. Ses théories à cet égard sont plus
30, Ip. 403 — "2 T. IT, p. 475.