Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

122 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

saires. En cela, il se montra le fidèle exécuteur de la Révoluion de 1789. Lors du sacre, le 2 décembre 1804, comme le pasteur Martin (de Genève) au nom de tous les consistoires de France, le remerciait de cette fermeté : « Je veux, « répondit Napoléon, que l’on sache que ma ferme volonté « est de maintenir la liberté des cultes. L'empire de la loi finit « là où commence l'empire indéfini de la conscience". La loi, « ni le prince ne peuvent rien contre cette liberté. Tels sont « mes principes et ceux de la nation, et si quelqu'un de ma « race, devant me succéder, oubliait le serment que j'ai prêté « et que, trompé par l'inspiration d’une fausse conscience, il « vint à le violer, je le voue à l’animadversion publique et « je vous autorise à lui donner le nom de « Néron! »

Quel admirable témoignage rendu à la liberté religieuse et à l’autorité de la conscience ! Pourquoi Napoléon ne s’estil pas souvenu de cette maxime dans ses relations avec le Saint-Siège et même avec le clergé de son empire? Comment en est-il arrivé à dire : « Il n’y a rien que je ne puisse faire avec mes gendarmes et mes prêtres? » C’est que, chez l’empereur, le caractère valait moins que l'intelligence et que les fumées de l’ambition obseurcissaient souvent le regard de son génie. Son attitude à l'égard des cultes ne fut, en somme, qu'une tolérance arbitraire et une protection conditionnelle. En somme, sous l'empire comme pendant la révolution la liberté de conscience, tout en étant inscrite dans la Constitution, fut la victime de la guerre civile et des haines de parti qu'engendre celle-ci et réduite à rester presque à l’état de lettre morte. Ce ne fut qu'à de courts intervalles qu'elle fut à peu près respectée. IL faut en conclure que la liberté des cultes dépend plutôt des mœurs que des lois; quel que soit le gouvernement sous lequel elle vit, ce n’est que dans la justice et dans l'indépendance de la conscience qu'elle trouve ses réelles garanties.

1. N'y aurait-il pas là une réminiscence de l’article de Romilli sur la tolérance ? Comp. page 74.