Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
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le seul culte catholique et voulait rétablir une religion d’État, ce qui eût été mortel pour la liberté de conscience.
Elle trouva, pour l'exécution de son programme, des auxiliaires zélés dans les ordres monastiques, entre autres dans les Jésuites (rétablis par Pie VIT en août 1814) sous le nom de « Pères de la Foi » et qui venaient de fonder une maisonprofesse à Montrouge et dans la société connue sous le nom de la Congrégation de la Vierge. Cette association avait été fondée en 1801 par l’abbé Delpuits, ex-jésuite, pour des exercices de piété, mais, ayant pris parti pour Pie VIT contre Napoléon, avait été dissoute. En 1814, elle reforma ses cadres et elle vit affluer bientôt dans son sein, non seulement l'élite de la noblesse, Mathieu de Montmorency, Jules de Polignac, le comte de Marcellus, le comte de Gontaut-Biron, etc., mais encore tous les fonctionnaires qui se piquaient d'être bien pensants, ou étaient désireux d'obtenir de l’avancement. La Congrégation était sous le haut patronage du comte d'Artois et de la duchesse d'Angoulême, mais avait pour président effectif le Père Ronsin, un Jésuite. Elle allait jouer un rôle capital dans les luttes politico-religieuses de la Restauration.
Pour faire face à un parti aussi puissamment organisé, les libéraux, au début de la Restauration, n'étaient qu’une poignée d'hommes : Voyer d'Argenson, Dupont (de l'Eure) qui devait rester fidèle à la liberté sous tous les régimes; La Fayette, dont l'esprit d'indépendance n'avait pas vieilli ; Manuel (depuis 1819) et le général Foy, un vétéran des guerres de l'Empire, dont le talent oratoire était à la hauteur du caractère. Ils étaient vingt-cinq en tout et furent impuissants à arrêter le torrent de la réaction cléricale : celle-ci se manifesta coup sur coup par des mesures contraires à la liberté des cultes.
Les 7 et 11 juin 1814 parurent deux ordonnances royales : la première prescrivant sous des peines sévères que tous les travaux fussent suspendus le dimanche‘ et la seconde ordon-
1. Cette ordonnance, transformée en loi le 22 novembre 1814, n’a été formellement abrogée qne le 12 juillet 1880,